Prisoners : « n’est que ruine de l’âme… »

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La bande-annonce était prometteuse, mais ça n’est pas toujours une garantie – au contraire. On pourrait tous écrire une liste longue comme le bras de thrillers à la promo impeccable dont le scénar était finalement très convenu, les chutes attendues et le suspense factice et ennuyeux. Mais il y avait comme un petit goût de ‘Zodiac’ (à cause de Jake Gyllenhaal, sans doute), il y avait Paul Dano (‘There Will Be Blood’, ‘Little Miss Sunshine’)… Alors bon, prenons le risque.

Le pitch, on le connaît : deux petites filles, dont celle de Keller/Hugh Jackman, ont disparu ; l’enquête menée par l’inspecteur Loki/Jake Gyllenhaal piétinant, Keller décide de prendre les choses en main quand le suspect n°1, un jeune déséquilibré joué par Paul Dano (un spécialiste des rôles hallucinés) est libéré faute de preuves. On s’en doute, ce n’est que le début ; et les dérives qui risquent de s’ensuivre, on les devine. Oui ; mais c’est là que le film révèle son meilleur atout : un scénario solide et bien pesé (bien pensé aussi, oui). Denis Villeneuve ne nous fait pas attendre sans fin ce qui constituait l’accroche du film, on sent bien que Keller va déraper – et de fait, il dérape. Vite. Mais tout ne s’arrête pas là, au contraire ; ‘Prisoners’, loin d’asséner des leçons de morale, pose des questions. Celle du bien et du mal, de la vengeance et de la justice, bien sûr mais il plonge bien au-delà, dans les tréfonds de la colère et du sentiment de culpabilité. Chez celui qui glisse lentement dans l’irrémédiable et se débat pour se raccrocher désespérément à la morale qui l’inspirait, avant ; chez celui qui cherche à résoudre une enquête sans se laisser aveugler par ses sentiments, quitte à accepter de devenir aux yeux du monde un monstre de froideur et de détachement. Aucun ne perd de temps à se défendre, ce sont les actes qui parlent. Derrière, chacun a sa morale et ses raisons, chacun ses victoires et ses échecs – aucun n’en paraît véritablement grandi, juste…vrai.

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C’est le deuxième aspect impressionnant de ‘Prisoners’ : il sonne ‘vrai’. Parce qu’il ne donne pas dans la routine, il n’encombre pas les moments lourds de tunnels de musique lourdingue – quand le flic sèche sur ses indices muets, on sèche aussi. Quand il ouvre sa portière de bagnole l’alarme fait sans cesse ‘ting, ting, ting‘, c’est gonflant comme si on y était ; des petits détails touts bêtes mais qui font le job. Keller, lui, ce n’est pas juste un papa lambda, il est survivaliste et derrière son angoisse légitime on en voit d’autres sortir et bouffer lentement sa personnalité de bon père de famille. Il veut tout faire pour sauver sa fille, mais en même temps il est à la limite de la paranoïa ; on le comprend mais on le redoute aussi, on ne sait plus, on regarde et on serre les dents dans les passages à la limite du supportable. Il est, comme son antithèse Loki d’ailleurs, la preuve qu’on peut avoir raison et tort en permanence. Il n’y a pas une bonne piste et une mauvaise dans cette histoire, il y en a plein qui s’entrecroisent et construisent une réalité qui couve, lentement, comme une maladie infectieuse. Que tu trouves ou que tu ne trouves pas, le temps passe, et le dénouement approche. Cette impression de pesante réalité, démystifiant l’enquête au point d’en faire un véritable sacerdoce, participe à l’excellent suspense du film : le réalisateur canadien de ce film…américain nous joue parfois des tours pendables et, sans rire, j’ai plusieurs fois vu mes voisins de salle faire des bonds de cabri sur leur fauteuil.

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Une bonne dose de trouille, un questionnement moral qui assume ses choix et des fausses pistes qui s’enroulent autour de la vérité comme un nœud venimeux de reptiles, un final à la hauteur, en bref, moi j’ai beaucoup aimé. Profitez qu’il passe encore pour aller vous faire une idée.

Un petit aperçu, déjà :

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