Une seule nuance d’Emmanuelle

« En d’autres termes, si vous voulez tromper votre mari, ce n’est pas parce qu’il vous ennuie, ou pour vous venger de lui, mais c’est, au contraire, parce qu’il vous rend heureuse. C’est parce qu’il vous a appris à aimer ce qui est beau. A aimer la merveille du plaisir physique donné par la pénétration d’un corps d’homme au plus profond du vôtre. Il vous a appris que l’amour, c’était cet éblouissement des sens lorsque la nudité de l’homme écrase le vôtre. »

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Il y a quelques temps, je vous ai exprimé mon dégout pour ces 50 nuances de Grey à la guimauve, si sages et mal écrites que c’en était déprimant. M’étant rendue compte que malgré tout, même quand la qualité n’est pas au rendez-vous, les lectrices contemporaines restent avides de sexe, j’ai décidé de me pencher sur un classique du genre : Emmanuelle, d’Emmanuelle Arsan, en espérant tomber sur du plus lourd.

Evidemment, après le succès de la trilogie pseudo sadomaso, les éditeurs, dont Belfond, ont décidé de surfer sur la vague : dans le cas présent, Belfond réédite les ouvrages Emmanuelle, puisque le pognon prime… Faire du neuf avec du vieux quoi, rien de très rock’n’roll ni de très ambitieux. Risque minimal pour gains maximum, mais c’est un autre débat – jeunes auteurs, vous pouvez crever.

Emmanuelle, 19ans,  part rejoindre son époux, ambassadeur en Thaïlande. La jeune femme, bien dans son corps, laisse ses sens la guider selon ses envies, d’abord avec deux hommes dans un avion, puis avec des femmes tout le long du récit, jusqu’à rencontrer un homme, Mario, son mentor, qui lui fera découvrir sa conception de la vie et du sexe, puisque pour lui l’épanouissement d’une vie humaine passe forcément par la satisfaction du corps, par la création de contextes érotiques (… tout vaut mieux que le sexe « brut ») au sein desquels il faudra ressentir son humanité, sa joie de vivre et son amour pour les autres. Très honnêtement, il faut tout de même préciser que comme dans – hélas – toute œuvre à caractère érotique, l’intrigue ne semble être qu’un décor négligé pour laisser la part belle à de longs chapitres décrivant des scènes de sexe…c’est  un peu soporifique à vrai dire. On s’imagine plus impliqué et notre imagination plus stimulée avec des personnages un peu plus développés et une intrigue qui nous fait tenir plus le récit va de l’avant… ENFIN.

Quand on vous dit Emmanuelle, chers lecteurs cultivés, vous pensez bien évidemment au film du même nom, tiré des livres d’Emmanuelle Arsan, et sorti en 1974. Le film a échappé à la censure et a connu un succès incroyable, mais le livre avant lui – publié en 1959 – à été un best seller qu’on s’est refilé sous le manteau (et oui les enfants, le monde d’avant 68 ne dégoulinait pas de porno dans tous les médias…), le livre ne stipulant même pas le nom de son auteure… Et à vrai dire, contrairement aux 50 nuances de Grey, Emmanuelle Arsan a osé proposer une vision de la sexualité féminine novatrice pour l’époque, et hélas, c’est encore trop souvent le cas aujourd’hui. C’est tout l’intérêt du livre.

La sexualité d’Emmanuelle est assumée, libre des conventions sociales et morales de notre temps : homosexualité, infidélité, jouissance pleine du corps. On ne peut pas encore dire que ces sujets soient désormais intégrés dans nos petites têtes (n’est ce pas messieurs), avec nos esprits étriqués, nos égos démesurés et notre fierté déplacée : la femme reste trop souvent objet. Emmanuelle, ce n’est pas un livre érotique au sens ou il est excitant à lire comme on regarderait un porno. Emmanuelle, c’est bien plus une philosophie de vie sexuelle assumée, heureuse et libre.

Ca pourrait faire penser à Sade, l’envie de vomir en moins. Qui dit mieux ?

 

Titre : Emmanuelle – La leçon d’homme

Auteur : Emmanuelle Arsan

Editeur : Belfond

ISBN : 9782714454881

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