« Le discours d’un roi » ou d’un orthophoniste ?

Quand on voit qu’un réalisateur, en l’occurrence Tom Hooper, en est à son troisième film et qu’il ne décolle pas, on peut se dire que c’est son style, que ça plaît ou pas, ou bien encore qu’il est brimé par sa boîte de prod. Ici je ne crois pas, je pense plutôt à un petit gâchis, à un discours trop polissé alors qu’un sujet d’une telle ampleur méritait l’ambition d’un (réalisateur) roi justement.

Malgré tout, nous passons plutôt un agréable moment. Nous nous délectons de plusieurs séquences d’une première partie ou Lionel Logue, l’orthophoniste qui fait également office de psychologue, tente de résoudre le problème de bégaiement du futur roi Georges VI.

S’il faut retenir quelque chose en premier de ce film, c’est bien cette première partie où l’humour se confronte à l’Histoire, dans un mélange scénaristique implacable. Ainsi nous passons du sourire en coin, aux rires aigues, pour finir, en une fraction de seconde, aux frissons que procure la tristesse d’un homme seul face à sa mémoire et celle de son pays.

Mais cette histoire n’est pas véritablement celle du roi interprété par Colin Firth, c’est plutôt celle d’un homme de l’ombre, « aux méthodes peu orthodoxes » et  « à l’aplomb redoutable » comme dit dans le film. « Un homme du peuple » qui conduira le roi vers son avenir : son bien être en tant que personne ; et la prise de responsabilités et de pouvoirs nécessaires afin de conduire convenablement son pays, avec courage et détermination, vers la seconde guerre mondiale. Et oui, diriger un empire, c’est pas si simple. Cette histoire, je disais donc, est celle de Lionel Logue, le cœur du film, interprété avec finesse par Geoffrey Rush.

Pourquoi, d’ailleurs, le dernier plan est sur ce personnage ? Tout simplement car sans lui, un idiot ingrat aurait été à la tête de l’empire anglais. Je parle ici du frère ainé de Georges VI, le très vite oublié (dans le film tout du moins) Edouard VIII. Bien sûr, il s’agit d’une caricature d’Edouard VIII, un second rôle écrit en trois lignes, comme le rôle du père, Georges V, trop dur avec ce fils bégayant. Tous ces seconds rôles sont amers de toutes manières, ils manquent de prestance. Regardez Churchill qui n’est qu’une blague, une injure même. Même Helena Bonham Carter, bien qu’étant plus présente, ne porte pas réellement le soutien indescriptible que la reine Elizabeth a dû donner.

Et s’il faut parler du roi lui-même, il m’apparaît comme un gentil simplet néanmoins courageux. On a certes de la peine pour lui mais comme on aurait de la peine pour n’importe quel bègue, malheureusement c’est notre thème.

Et puis voici cette seconde partie lente, beaucoup trop lente. Je veux dire par là que même s’il y a action (tiraillement du rôle de Colin Firth entre devenir roi ou pas), celle-ci aurait dû être balayée d’un revers de main pour s’attaquer à cette troisième partie où tout aurait dû être bien plus ambitieux. Une guerre mondiale approche et même s’il faut tenir notre thème, l’histoire du roi, il faut néanmoins bien plus la magnifier et la situer dans ce contexte de crise. Un petit crescendo n’aurait pas été de trop non plus. Or voilà que le discours déclamant la guerre est fait, et nous nous congratulons, avec un large sourires aux lèvres, que le roi ait enfin pu prononcer son discours. Hey les gars, les bombes vont tomber hein !

Ce qui aurait pu être un très bon film aux allures shakespeariennes, se retrouve donc cantonné au film du dimanche soir en famille : de l’émotion certes mais peu de profondeur. Et c’est pas deux / trois plans sympas qui me feront changer d’avis.

Vous comprenez pourquoi j’attends « Tree Of Life ».

Yann

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