No sympathy for Mr. Vengeance – J’ai rencontré le diable de Kim Jee-Woon

I SAW THE DEVIL (J’ai rencontré le diable) – Kim Jee-Woon – Corée – 2010

Gérardmer encore et toujours avec « I saw the Devil » de Kim Jee-Woon qui, ça tombe bien, est justement sorti cette semaine. Un Grand Prix aurait été mérité selon moi même si « I saw the Devil » n’est pas reparti bredouille : auréolé du Prix de la Critique, il a surtout gagné une distribution française assez honnête malgré sa réputation d’œuvre ultra violente. Réputation par ailleurs confirmée au visionnage avec ce film inscrit dans la lignée du grand cinéma coréen, repoussant toujours plus loin les limites de la représentation de la brutalité, aussi bien visuellement que moralement.

Kim Jee-Woon n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il s’était déjà penché sur le genre fantastique (« Deux soeurs »), sur le film d’action (« A Bittersweet Life ») et même sur le western en 2008 avec « Le bon, la brute et le cinglé ». Amoureux du cinéma de genre, le réalisateur coréen l’est donc certainement même s’il s’était jusqu’alors plutôt limité à reproduire des codes balisés, certes avec un certain sens de la mise en scène, mais sans leur ajouter la profondeur nécessaire pour aller au-delà de l’exercice de style.

« I saw the devil » dépasse en ce sens largement ses réalisations précédentes puisqu’il s’agit en effet ici de dynamiter toutes les règles de scénarisation attendues dans un vigilante movie, en égratignant au passage également celles du cinéma d’horreur, pour nous balancer au cœur d’une chasse à l’homme perverse, dans un un jeu du chat et de la souris dont on se sait jamais réellement qui joue le rôle du chasseur et du chassé.

Pour le pitch de départ rien de bien novateur : Yung-Chul est un serial killer et violeur particulièrement retord qui assassine sauvagement une femme dans les premières minutes du film. La femme en question n’est autre que celle de Soo-Hyun, membre des services de renseignement et surentraîné au combat, bien décidé à se venger.

Le film aurait pu se contenter d’une course poursuite basique sauf qu’il bascule au bout d’une heure alors que le flic attrape le tueur pour le relâcher quasi instantanément. S’ensuit une lutte entre les deux pour déterminer qui sera le plus sadique, ou à l’inverse, masochiste.

La surenchère de violence rythme le film dans une série de séquences hallucinées, sans aucun temps mort, durant près de 2H30. Elle explose à chaque instant, de façon extrêmement sèche, rapide et sanglante. Cependant, même en étant attendue, on ne la redoute pas moins à chaque instant, le parti pris du réalisme cru rendant chaque scène de torture quasi insoutenable. Se pose alors évidemment la question de la complaisance : qu’est-ce qui différencie « I saw the Devil » de n’importe quel torture porn lambda ?

La durée est le premier élément à prendre en compte, la longueur du film permettant de saisir l’effondrement progressif des normes sociales régissant la vie de Soo-Hyun pour le transformer en un double de sa proie : un être abject, dénué de morale et de remise en cause.

Car si sa soif de vengeance est explicable par son traumatisme, c’est bien son ego démesuré qui l’amène à agir aussi aveuglement que bêtement, refusant quand il en a encore l’occasion de sortir de cet engrenage infernal.

Le second élément à considérer est donc ce recul dont fait preuve Kim Jee-Woon vis-à-vis de ces personnages. Loin du lyrisme de la trilogie de la violence et plus spécifiquement de « Old Boy » souvent cité en référence, « I saw the Devil » est teinté d’un humour très noir au cynisme mordant. Il se rapproche en cela beaucoup des « Affranchis » de Scorcese. Là où le premier filmait la mafia sous sa facette la moins glorieuse – rassemblement de beaufs dépourvu de son aura habituelle – le second fait de même avec ce vengeur qui devient de plus en plus antipathique et pour lequel, au bout du compte, on n’éprouve plus la moindre compassion.

Sans pour autant jamais nous donner non plus la possibilité de s’attacher à un des psychopathes les plus flippants donné à voir sur pellicule ces dernières années, magistralement interprété par Choi Min-Sik, « I saw the Devil » prolonge le malaise jusqu’à son final, grandiose, qui ne rechigne devant rien pour aller au bout de son idée.

Il faut enfin souligner la photo particulièrement léchée et la maîtrise indéniable des scènes d’action qui font de ce thriller coréen une claque éprouvante mettant une fois encore sérieusement à l’amende les productions occidentales du genre.

3 commentaires

  • ___________l^^!____
    ___________l^^!____

    Merci d’en avoir parlé de ce film. J’avais beaucoup aimé Oldboy et je sens que  » i saw the devil » c’est une bombe visuelle et auditive.

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  • Miho
    Miho

    Il l’est, en effet 🙂

    Je n’en ai pas parlé ici, mais la BO est aussi excellente, c’est visiblement la première de Lee Seong Heon, musicos à suivre avec attention pour la suite je pense.

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  • Dédé la bricole
    Dédé la bricole

    merci pour ce conseil ! j’ai adoré ce film !
    du bon niveau ! comme sympathy for mister vengeance ou bittersweet life … presque aussi bon que old boy

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