Erik Satie était un gros coquinou

 

Les mains écartelées et les yeux en triangle, j’observe en haut, à gauche, à droite tout ce qui se passe autour du piano. Entre le en haut et le en bas, y’a comme un décalage et les sons ne collent pas bien au papier. Des notes mal assorties braquent une partition illisible. Je voudrais que ça marche, ça a plutôt tendance à s’éventrer contre les piques tranchants de la réalité.

En réalité c’est magnifique, ça coule de source et ça caresse les oreilles, mais dans le monde de mon bureau, dans le monde de mon piano aveugle, ça saccade sans cavalcade.

Je t’aurais bien haï Erik Satie, mais du haut de tes 22 ans, et de ta partition illisible tu me rappelle qu’il n’y a que l’art qui compte. L’art et la technique qui en vérité s’aiment et se baisent, je leur fait faire des scènes de ménage et des engueulades sans fin. Je n’ai rien, pour les réconcilier. Je me peins soigneusement les ongles, signaux de détresse sur fond de touches blanches et noirs, et la fusion que j’espère tant entre moi et l’instrument tourne au combat pour la survie de moi-même en milieu musical hostile. A croire que toute la paix que j’affectionne et que je place sur un piédestal, je la conchie en refusant de me coucher sur le papier.

Mais j’insiste, et je me laisse jouer des mauvais tours, je feins et j’adapte la grandeur à la petitesse de mes ruses.

Il y a autant de façon que de personnes, et personne pour me corriger. Alors j’imagine, et Monsieur Satie doit bien rire dans sa tombe, parce qu’il a été plus malin que tout le monde. Et toutes les ruses que j’ai inventé n’étaient en fait que ce qu’il avait tout simplement couché sur le papier. Je lui ai fait une petite représentation, et il a dit : Ok, c’est bon.

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