MIX ET REMIX. TRAD ET RETRAD.

François Bon, auteur papier et numérique, éditeur numérique, trouvait que l’unique traduction du Viel homme et la mer d’Hemingway laissait à désirer. Lui voyait autre chose dans l’œuvre originale, une autre version, qui lui semblait plus fidèle. Alors il s’est mis au travail, a œuvré dans l’ombre jusqu’à la semaine dernière, où il a proposé au téléchargement sa traduction à lui. Et, parce qu’il s’agit de littérature, on n’a pas réellement appelle un chat un chat. Parce que, concrètement, ce que François Bon a réalisé, c’est un remix.

Les musiciens sont tellement habités au concept, qu’il est on ne peut plus ordinaire pour eux. On trouve des remix payants de morceaux à succès, qu’ils soient réarrangés, au style alternatif ou simplement rechanté pour obtenir une cover moins onéreuse en termes de droits. Sur Youtube pullulent les remix gratuits, qui vont de la gamine qui s’égosille sur un a capela dégueu jusqu’à la famille d’enfants chinois qui font une version philarmonique. Les remix font partie du paysage musical depuis si longtemps que leur monétisation est claire.

Ce que l’on ignore beaucoup plus en revanche, c’est qu’il existe des remixs pour le cinéma. Une communauté de passionnés est née en même temps que le DVD. Ils rippent films et scènes et coupées qu’ils vont pouvoir ensuite re monter selon leur bon vouloir. Ce sont des recuts, parfois meilleurs que l’original. On trouve des versions longues, des plus courtes, des expurgées d’un personnage, de scènes entières. Tous les recuteurs sont animés par la même volonté que François Bon : une autre version, meilleure, est possible. Alors je vais m’en charger. En cherchant un peu on trouvera des DVD de recuts à télécharger gratuitement et regarder sur sa TV.

Malheureusement pour François Bon, il se retrouve avec un début de procédure judiciaire dans les dents, en guise de remerciements pour services rendus. On lui reproche d’avoir tiré profit d’une ouvre dont les droits appartiennent encore à Gallimard. Car Bon vendait sa nouvelle traduction, persuadé que les droits du Vieil homme et la mer étaient tombés dans le domaine public. L’inévitable conclusion de l’affaire est que sa traduction est pour l’instant retirée de la vente, et donc inaccessible.

Et je demande, qu’est-ce qui ce serait passé s’il n’avait pas vendu son remix, s’il l’avait simplement donné.

Après tout, l’industrie musicale tolère les reprises youtube gratuites de ses œuvres, l’industrie cinématographique tolère les remontages gratuits de ses œuvres, est-ce que l’industrie du livre pourrait faire de même ? Est-ce qu’on pourrait voir fleurir des traductions non autorisées de romans que personne n’a le courage ou les moyens d’importer ? Est-ce qu’on pourrait faire circuler des traductions « meilleures » qu’officielles sur Internet ?

La vraie question est avant tout celle-ci : Le texte est-il plus sacré que la partition ou la pellicule ?

Si l’industrie littéraire pense que oui, j’aimerais bien qu’ils nous expliquent au nom de quoi.

2 commentaires

  • I Made This III | -The Best Place-
    I Made This III | -The Best Place-

    […] sur le business de la procrastination, les livres de développement personnel. Sur Anotherwhisky. Mix et Remix, Trad et Retrad – Les traductions littéraires ne sont-elles pas simplement des remixs ? Sur Anotherwhisky. And the […]

    Répondre
  • N.A.
    N.A.

    La traduction en tant que remix ?!
    Must process new perspective…

    Et le remix de traductions ?
    (par exemple le mix de 5-6 trad. de l’épopée de Gilgamesh parce qu’elles se croisent toutes sans se superposer — de Bottero qui me(t) des [.]crochets par(t)out dans sa traduction littérale de l’akkadien aux albums illustrés ou aux version pour enfant)

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *