La belle vie…

C’était pas un mauvais bougre Charly, juste un malchanceux d’ la vie… faut dire que la vie avait pris pour sale habitude de ne pas lui faire de cadeau et que la sienne avait plutôt mal commencé.

Il n’avait pas vraiment connu ses parents, il avait bien un vieux pola jauni d’un couple d’amoureux dans un p’tit cadre sur sa table de nuit, une photo qu’il trainait de foyer en foyer depuis qu’il était gamin, mais il n’avait jamais été sûr que ce soient eux, il faut dire que la ressemblance n’était pas frappante, la nature avait apparemment décidé de les gâter plus que lui. Charly n’avait pas fait d’études, son cerveau se fatiguait vite quand il s’agissait de réfléchir et puis c’était pas fait pour lui d’être enfermé 8 heures par jour entre quatre murs, sa jeunesse il l’avait plutôt passée à faire le mur justement. A 18 ans ses rêves de liberté se sont vus exaucés, une liberté avec un grand L, mais on se lasse vite d’avoir comme toit les étoiles quand on a pas un sous en poche, que la faim vous tord le ventre et que le froid vous pique plus encore que l’infâme vinaigre qu’on avale pour se réchauffer. Alors Charly avait décidé qu’il était temps de lâcher la rue et ses potes de trottoirs, Charly il voulait une vie comme sur le vieux pola, il voulait tenir la main d’une fille qui sourit et poser devant une jolie maison fleurie, et peut-être même qu’avec de la chance cette fille voudrait bien qu’un gamin vienne un jour leurs traîner dans les pattes, un gamin qu’ils laisseraient pas tomber…

Il avait fini par quitter la galère, il avait trouvé un boulot de laveur de carreaux, ça payait le loyer de son studio, de quoi se remplir le ventre et s’offrir quelques bières le samedi soir au bistrot. C’est là qu’il avait rencontré Lucie. Elle était belle Lucie, elle était belle mais surtout elle lui souriait Lucie, elle lui souriait à chaque fois qu’elle déposait son demi devant lui. Il se souvient comme son coeur avait cogné fort la première fois qu’il l’avait vue sourire, tellement fort qu’il avait cru qu’il allait jaillir hors de sa poitrine pour s’étaler sur le comptoir. Il se souvient d’avoir penser à cet instant là, pour la première fois de sa vie : « Putain c’ que la vie est belle… quand une fille vous sourit ! ». Alors tous les samedis Charly était allé au bar faire cogner son coeur en commandant une bière et trouver la vie belle, et putain c’ qu’elle était belle la vie quand Lucie lui souriait en posant son verre devant lui. Au bout de six mois à mener la belle vie, il avait fini par laisser son coeur s’étaler sur le zinc au milieu d’un bouquet de roses aussi rouges que ses joues, mais ce soir là Lucie n’avait plus souri et son coeur à lui s’était arrêté de cogner…

En rentrant il avait enfermé le pola dans un tiroir, pris des bières dans le frigo, pleuré comme un gosse,  maudit la vie cette pute, noyé son chagrin à grosses gorgées et s’était mouché dans sa chemise. Sa vie était devenue moche, boulot, bière, dodo & gueule de bois. Il ne sortait plus le samedi soir, de toute façon à quoi bon puisque son coeur ne cognait plus, le samedi maintenant il chialait ! Il chialait en pensant à son père qui aurait dû être là pour boire des bières avec lui, il chialait en pensant à sa mère qui aurait dû être là pour lui tendre un mouchoir qui sentirait bon le lilas, il chialait en pensant à ses potes de trottoirs qui se fichaient bien du sourire des filles tant qu’ils avaient des étoiles pour briller au dessus de leur tête !

Et puis par une matinée de juin, alors que la pluie était en train de saloper son travail et qu’il n’ en finissait plus d’essuyer les gouttes avec son chiffon, il avait aperçu derrière la vitrine au milieu d’un arc-en-ciel de bouquets une silhouette qui le fixait, la silhouette d’une jolie p’tite fleuriste, à nouveau il avait senti son coeur battre et pour la deuxième fois de sa vie, s’était mis à penser :

« Putain c’ que la vie est belle… quand une fille vous sourit ! »

 

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