Désaimer

Sofia venait de passer une demi-heure sous la douche, effondrée dans la brume chaude. Dans le siphon s’écoulaient ses derniers doutes, ses dernières larmes… Sur le lit, sa valise était prête. Plus tôt dans la matinée, sa meilleure amie était passée prendre ce qu’elle ne pouvait emporter avec elle contre la promesse de ne rien dire à Marc. Qu’elle ne s’inquiète pas, Sofia donnerait des nouvelles, tout irait bien mais il ne faudrait rien dire, surtout ne rien dire à Marc… à Marc il faudrait mentir !

Marc, Sofia l’avait rencontré il y a environ un an, il avait été là au bon endroit, au bon moment, une rencontre comme une évidence, d’ailleurs tout le monde s’accordait à dire que ces deux là allaient très bien ensemble. Et ça avait été le cas… Si Sofia s’était imaginé l’homme parfait, nul doute que c’est de Marc qu’elle aurait fait le portrait. Ils avaient emménagé ensemble au bout de 3 mois, leur quotidien n’avait été que mots doux, baisers, petits cadeaux et aucune dispute pour assombrir le tableau. Sofia était pourtant sur le point de le quitter, elle allait partir loin sans laisser d’adresse, sans autre explication qu’un « Il n’y a plus de magie dans mon coeur. Désolée » gribouillé sur un bout de papier laissé sur la table du salon… Qu’aurait-elle pu écrire ? Comment écrit-on aux personnes qu’on aime, qu’on ne les aime plus ? Parce que oui, bien sûr, elle avait encore beaucoup d’affection pour lui, alors comment aurait-elle pu lui dire qu’elle n’en pouvait plus de tout cet amour, cet amour trop beau, trop grand, si fort qu’il l’étouffait… Qu’elle n’en voulait pas de ses jolis projets, du mariage un jour, des enfants plus tard, de cette cage dorée qu’il allait lui construire… Non vraiment, elle n’en voulait pas de la maison aux volets verts, des réveillons en famille, des noces de laine, des vacances scolaires en bord de mer… Elle n’avait pas envie d’un avenir… Elle ce qu’elle voulait, c’était vivre au jour le jour et profiter des instants présents, peu importaient les lendemains, elle avait juste envie d’être bien dans ses bras, sans se poser de questions, sans compromis, sans concessions… sans faire semblant ! Elle allait donc lui briser le coeur, sans chercher à l’affronter, parce que c’était au dessus de ses forces, parce qu’elle n’aurait pas pu lire dans ses yeux la détresse sans sombrer à son tour, la fuite c’était ce qu’il y avait de plus facile. Fuir pour ne plus aimer, fuir pour ne surtout plus être aimée, elle disparaîtrait de sa vie, il finirait par l’oublier et par trouver quelqu’un qui veuille dessiner l’avenir avec lui, quelqu’un qui ne serait pas elle !

Elle avait bouclé sa valise, fait le tour des souvenirs dans l’appartement, jeté les clés dans la boîte aux lettres, sur le trottoir en attendant le taxi son coeur s’était durci, elle avait respiré fort un air qui lui avait semblé plus pur, par la vitre elle avait regardé la ville faire un dernier grand défilé, la vitrine en macarons du patissier au bout de la rue, ce bar où elle prenait un p’tit crème le matin avant d’aller bosser, les boutiques qu’elle avait un jour ou l’autre dévalisées avec des copines, ce resto où Marc l’avait emmenée pour leur deuxième rendez-vous… elle avait presque regretté que le chauffeur ne fasse plus de détours, elle ne reviendrait pas avant longtemps, elle le savait, mais tout abandonner c’était le prix de sa liberté !

Quand Marc rentrerait ce soir, il trouverait encore l’odeur de Sofia sur l’oreiller, son odeur au milieu des larmes, mais elle, serait déjà loin…

3 commentaires

  • @joueurs
    @joueurs

    parler plutôt que fuir…ne pas oublier d’être simple…diriger sa vie pour que l’autre le sache…ne pas mentir par omission ni à l’autre ni à soi même…

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  • nATh
    nATh

    Alors…comment dire ? Dans la vraie vie peut-être, chacun est libre de faire comme il lui plaît !
    Mais là, c’est juste une histoire. Imaginons que Sofia ne se barre pas, ça donnerait à peu près ça: Sofia & Marc étaient très amoureux, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants qu’ils élevèrent dans une jolie maison aux volets verts. Fin. Pas très fun, surtout si l’envie me prenait de jouer encore un peu avec ces 2 personnages…

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  • Gatrasz
    Gatrasz

    …papillonne, papillonne, tu verras quand tu voudras te poser s’il y a toujours une branche pour nouer tes petites griffes. Enfin, moi j’dis ça, j’dis rien…

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