La gourmandise

Parler kilos en trop t’insupporte, tes amies sont vraiment des pies bavardes. Toi, tu as déjà troqué ton 36 contre un Paris Brest, ta minirobe contre un autre éclair au chocolat, l’heure de jogging contre une gaufre. Tu ne te trouves pas grosse, tu aimes plutôt bien ton corps, et tu ris doucement quand tu vois tes copines devant leur salade au chèvre, vinaigrette allégée séparée.

Bien dans ton 38, tu te permets des écarts, tu te permets de te resservir, tu te permets de prendre un verre en plus et pour énerver tes copines, quelques Haribo. Tu ne passes pas ton temps devant les articles pour aimer son corps et assumer ses rondeurs, tu fuis les magazines féminins à partir de mai jusqu’en septembre (car il faut aussi perdre du poids pour la rentrée). Tu comptes le nombre de fois où tu entends le mot « grosse » sortir de la bouche d’une fille mince lorsqu’elle parle d’elle-même, tu te dis que tous les miroirs du monde doivent être déformants sauf le tien.

Tu aurais pris un abonnement à la boulangerie en bas s’il y en avait un, et ta mère aurait pris un abonnement chez le docteur s’il y en avait un. « Trop de sucre, tu vas être diabétique », et tu as fini par t’habituer à cette aiguille que tu détestais tant, petite. Prises de sang régulières, mais une petite piqûre ce n’est rien quand tu vois le visage de ta mère, bloqué, car elle ne peut pas (encore) te dire : « Je te l’avais bien dit ».

Mais c’est tellement bon, pourquoi s’en priver ? Tu es bien contente de ne pas être chargée de toute cette culpabilité quand tu fais des écarts, tu as envie de serrer ta meilleure amie dans tes bras quand tu vois à quel point elle se torture pour une tartelette framboise. Lorsque tu en as deux.

Tu te sens belle. Et heureuse. Et, tiens donc, légère.

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