Mud : Sur les rives du Mississippi

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S’il y a bien une chose qui finit par user dans le cinéma d’outre-atlantique, c’est la manie de s’auto-étudier en tant que groupe humain, de se ramener à un échantillon représentatif du monde (libre, of course). C’est peut-être, admettons, un effet du tri au passage de l’océan, qui nous apporte seulement ce qui reste de plus gros, cinéma-poubelle et blockbusters impeccables en 3D mais sans grand relief. Cependant, force est de constater qu’avec un peu de chance, d’autres petits bijoux peuvent venir s’échouer sur le sable. ‘Mud‘ de Jeff Nichols en est un qu’il convient de ne pas manquer.

Le film se pose comme l’accession au monde adulte de deux ados d’une petite ville paumée sur les berges nourricières du Mississippi ; comme une énième itération des personnages de Mark Twain, dans une adaptation qui ne s’embarrasserait pas du drapeau pour embrasser résolument son univers contemporain, avec les mythes et les légendes qui conviennent.

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La musique est évidemment présente, au travers des radios locales gonflées de tubes country-blues qui vont bien ; le cadre compte aussi pour beaucoup. On enchaîne les vues de paysages humides, végétation fluviale et petite ville où pourrissent les maisons flottantes d’un âge révolu et les carcasses de camions, roadrunners en fin de vie comme on trouve chez nous les tracteurs des années 50 et les vieilles Peugeot. Transition des âges de la vie, transition des époques aussi – et la reconversion qui parfois peine à se faire. En témoignent le père du garçon (Ray McKinnon) dont l’univers entier part au gré du courant sans qu’il sache comment le retenir ; ou la retraite autiste du vieux Blankenship (Sam Shepard) ressassant les souvenirs mythifiés d’une époque révolue mais pas (jamais ?) révélée vraiment.

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Et autour de tout ce petit monde, qui ferait les chous gras de la gazette locale, il y a Mud. La boue du Mississipi qui l’enserre de ses méandres, certes. Mais aussi ce personnage semi-héroïque, Matthew McConaughey presque hallucinatoire, qui séduit les enfants pour les entraîner vers les premières déceptions de la maturité, les premiers aperçus d’une nouvelle forme de musique qui rythme la vie quand les parents deviennent un vieux souvenir et que l’amour s’éloigne de la sécurité du giron maternel pour devenir volonté créatrice/destructrice. Mud n’a pas d’existence, ou si peu ; pourtant il est toute l’histoire. Il pourrait bien être un mensonge, avec ses sourires enjôleurs et ses manières d’apparaître et de disparaître ; il n’en serait pas moins vrai, moins palpable. Mud n’est plus un enfant, c’est sûr ; mais il n’est pas un adulte non plus. C’est un fantasme hybride qui habite une cabane dans les arbres et rêve d’amours impossibles avec une jolie blonde (Reese Witherspoon) pour qui il ferait n’importe quoi. Elle pourrait bien ne pas le connaître, qu’importe, puisqu’il l’aime. Il n’est pas même forcément humain – à quel âge sait-on ce qu’est un homme ? Il peut naître de la crue du fleuve, surgir de la boue pour s’y fondre de nouveau, aussi insaisissable qu’un serpent qui nage entre deux eaux. Ce n’est pas cependant un être qu’on croise par hasard ; il est là parce qu’Ellis (Tye Sheridan) en a besoin – n’existerait-il pas, le gamin l’inventerait, c’est sûr. Le monde autour de lui, finalement, n’est qu’une vaste parabole où tout découle de mythes dont la réalité importe peu, tant qu’ils font leur office : c’est-à-dire donner des raisons au monde de changer, à l’univers de se disloquer comme il semble le faire à plaisir – donner un but, une conception de l’avenir. Une raison de construire quelque chose sur les ruines de l’enfance et du passé ; une maison, une relation, une vie. On verra.

Film Review Mud

La bande annonce :

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