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L’orage nous a tous surpris sur la plage de M. . Tu te rappelles de cette masse sombre, de ce ciel noir et furieux qui fonçait sur nous en rugissant et en vomissant ses torrents ? C’était dangereux ; on a eu peur. J’ai boudé un peu parce que je n’aime pas la pluie. Pourtant on en a ri quand même, une fois à l’abri dans un petit café, serrées comme des sardines contre des gens qui s’étaient réfugiés là aussi, comme nous.

La nuit est tombée dans le calme, la tempête a enfin dérivé ; on a pris le risque de suivre des inconnus malgré l’éternel avertissement qu’on nous répète depuis l’enfance. « Pas de folies ce soir les filles ! » Pardon, mais notre goût pour l’aventure dépasse tous les conseils. Alors on a enchaîné les bières, blotties dans le fond d’un canapé, et j’ai fumé mes trois dernières peut-être un peu trop vite. La digue, inondée de lumière dorée, semblait infinie ; et cet infini était à nous.

On a retiré nos baskets et on s’est précipitées sur le sable pour s’éloigner des terrasses colorées et surpeuplées. Il était froid, humide encore, et il collait sous nos pieds. Mais on s’en foutait pas mal. L’orage déversait sa colère à des kilomètres de là, par delà la frontière, et il nous offrait le spectacle merveilleux de ses éclairs roses zébrant les ténèbres. On s’est approchées de la mer qui murmurait doucement, saoulées par les embruns. On a écouté le vent et on a dansé dans la pénombre sous des milliers d’étoiles au son d’une musique lointaine. Jusqu’à en avoir le tournis et le souffle court. C’était irréel, flottant, comme dans un rêve. Et pourtant, j’étais plus que jamais vivante à ce moment-là, minuscule au milieu des éléments.

Brusque évidence : nous ne sommes qu’une poussière sur le monde.

J’aurais voulu arrêter le temps et avoir pour toujours cette sensation de liberté au fond du cœur, vivre pour l’éternité ces minutes sans prix où l’esprit s’évade, où on est simplement heureux. Le bonheur dans les choses simples.

Tu seras la seule complice de cet instant unique.

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