Le zombie comme figure symptomatique de notre époque

« La maladie, la sexualité et la mort sont sans doute les lieux par excellence des rituels. Ils sont des lieux d’apprivoisement, de médiation avec ces moments déterminants de l’existence et renvoyant à la fragilité de notre condition et de notre société : ils tentent d’aménager des bribes de symbolisation de ces moments que l’ont pourrait caractériser, à rigoureusement parler, d’abjects. Nous manquons toutefois désormais de moyens et de lieux pour symboliser et médiatiser ces moments, aussi importants que troublants. »

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Je déteste ne pas comprendre. J’ai toujours besoin de savoir pourquoi telle chose existe, pourquoi on fait comme ça et pas autrement, pourquoi une chose me fait peur, pourquoi j’en aime une autre. Ainsi, dans la continuité de ma passion encore récente pour les monstres du type zombies et vampires (mais ces derniers par défaut), je me suis dit qu’il devait bien avoir quelqu’un sur cette terre qui avait déjà théorisé sur le sujet, puisqu’en général, les phénomènes nouveaux restent désormais généralement très peu longtemps inexpliqués (à part « pourquoi on vit » et « d’où vient le monde » bien évidemment). Miracle, la Petite philosophie du zombie existe.

Loin de moi l’idée de vous expliquer de long en large de quoi il retourne, je ne vous apporterai pas la réponse à ma fameuse question : « pourquoi aimons-nous les zombies ? » sur un plateau, l’objectif étant bien entendu que vous lisiez le livre.

 

Toutefois, sachez que l’ouvrage est extrêmement accessible tant par le niveau de langage que par les références qui y sont citées : Coulombe allie les références classiques (Kant, Freud, Elias, Benjamin…) et nos références culturelles contemporaines en matière de zombies et d’apocalypse (The Walking Dead, Resident Evil, Night of the Living Dead, The road…). De plus, le bouquin est divisé en plusieurs parties très claires : La première nous explique que non seulement le zombie existe depuis fort longtemps et dans de nombreuses autres civilisations mais aussi qu’il est, et a toujours été, un monstre qui incarne la mort. Dans une deuxième partie, il apparait que le zombie, ce monstre abject, nous ressemble sur bien des points et incarne une catharsis dans ce qu’il se laisse aller à ce que nous refoulons. Enfin, l’ouvrage dissèque le zombie en tant qu’avatar de l’apocalypse, phénomène qui nous terrifie tout autant qu’il nous fascine, vivant dans une société postmoderne au sein de laquelle la perte de sens devient flagrante.

 

Je peux malgré tout vous dévoiler le fil conducteur de la pensée de Maxime Coulombe, histoire de faire saliver les fanas de zombies qui souhaiteraient réaliser une petite introspection : L’idée principale de cet essai repose sur le fait que cette passion pour les zombies qui se déchaine à travers tous les médium possibles (voire sur nos propres corps à travers une de ces fameuses « Zombie Walk »), se développe aujourd’hui dans nos sociétés occidentales grâce aux thèmes qu’elle met au jour : notre peur de la mort, notre peur de l’homme et de sa violence, ainsi que notre désir parfois inconscient de voir ce monde là disparaitre, dans un contexte où les rituels visant à exorciser ces peurs sont de moins en moins présents et où notre vie est normalisé, notre rapport au corps symbolisé pour échapper de plus en plus à ce qui nous faisait ressembler à de vulgaires animaux – mortels de surcroit. Mais même en tentant de nous oublier, une part profonde de nous a besoin de renouer avec ces thèmes essentiels qui constituent profondément notre vie. Ce résumé ne constitue bien sur qu’une pauvre vulgarisation du développement de Coulombe, qui étaye ses propos on ne peut mieux et rivalise d’intelligence pour créer des ponts entres les théories de grands sociologues et notre addiction aux zombies.

 

« On se rappellera les analyses de Norbert Elias sur « La civilisation des mœurs » qui documentait les ritualisations et normalisations progressives des mœurs corporelles. La modernité, par un long processus historique dont notre époque ne serait qu’un aboutissement extrême, tend à masquer la présence matérielle du corps et tous les signes de son animalité. Les ritualités et les conventions de table le démontrent bien : on ne doit plus prendre la nourriture avec ses mains, on ne doit plus la montrer une fois mâchée, ni la recracher ; on ne doit pas mordre un morceau que l’on ne peut avaler. Un ensemble de règles, on l’aura compris, que le zombie s’amuse à renverser ».

 

Titre : Petite Philosophie du zombie. Ou comment penser par l’horreur.

Auteur : Maxime Coulombe

Editeur : Presses Universitaires de France (PUF)

ISBN : 978 2 13058 940 2

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