Le mariage d’Aline

large (6)

Aline, que caches-tu derrière ton sourire ?
Comme une tempête qui se prépare, je m’attends au pire. Tu cherchais une vengeance parfaite, le moment opportun pour reprendre tout ce qu’on avait refusé de te donner. Tu voulais voir le monde entier autour de toi souffrir, comme tu as pu souffrir lorsqu’on t’a tourné le dos. Tu avais écrit des lettres à ton malheur, des odes à ton désespoir, un hymne à ta mélancolie. Mais après avoir tant supporté, tu as renoncé. Tes bourreaux ne t’avaient pas épargnée.

Aline, tu as attendu des années pour cet instant, ces quelques secondes, ces dizaines de minutes qui t’ont fait l’emporter sur eux. Car aujourd’hui, tu es si belle dans ton habit de rancune. Arborant avec fierté ce rictus, trophée attestant de ton triomphe sur ton coeur et sur leurs vies. Aujourd’hui tu as réussi, quand tu repenses à toutes ces années.

Tu aurais voulu leur dire de t’aimer un petit peu plus chaque jour. De ne pas t’oublier. Dans les souvenirs de ton enfance, tu te souviens des querelles quotidiennes. De ces mots qui déchirent tes oreilles autant que leurs sentiments, des cris et des pleurs dans le salon, de tes cachettes favorites méticuleusement choisies. Tu te souviens des premières disputes et des premières trahisons, tu te souviens encore des mains de ta soeur sur tes paupières, sur tes yeux, sur ta bouche: « Aline, c’est bientôt fini ». Mais ce n’était que le début.

Tu te souviens des papiers, du divorce, du diplôme que tu avais dans ton sac lorsque ton père est parti, lorsque ta mère a tourné le dos. Tu te souviens que les larmes qui ont roulé sur tes joues ce jour-là n’étaient pas parce que tu avais réussi un concours, mais parce que ton père ne reviendrait pas. Que les grilles du portail s’étaient refermées derrière le ronronnement de sa voiture. Que c’était le dernière son qu’il produirait, à jamais, à moins de dix mètres de toi.

Tu te rappelles de toutes ces années passées dans le silence et le mensonge, que ta mère ne t’a jamais dit pourquoi, que tu ne lui avais jamais demandé comment. Que ta soeur s’est éloignée aussi, qu’elle a décidé qu’il était temps elle-même de fermer ses propres yeux, boucher ses oreilles, et de ne plus jamais ouvrir la bouche. Et elle s’est doucement retiré de la danse, et ton deuxième diplôme n’était qu’une bien triste compensation.

Et tu as juré de te venger.

Alors aujourd’hui tu triomphes. Fière d’avoir réunie la famille autour d’un événement que tu calculais depuis si jeune, mais pas comme les autres petites filles. Tu triomphes d’avoir à ta droite comme à ta gauche, les bourreaux de ton enfance. Tu jubiles de faire rejaillir le passé et les souvenirs, d’afficher les rides de ton père, les lèvres tombantes de ta mère, la grossesse inespérée de ta soeur. Tu jouis intérieurement de ta puissance. Qu’ils se rencontrent à nouveau. Ne serait-ce que quelques heures. De les faire souffrir comme ils avaient pu te faire souffrir. De jouer le jeu, quelques heures, d’une joie simulée. De sourires faux. D’un visage composé.

Alors Aline, ton mariage est-il réussi? Le plus beau jour de ta vie.

1 Comment

  • Joey
    Joey

    Aline est ma pire cousine, je la hais. C’est quasiment une naine, avec son mètre quarante, et elle fait chier tout le monde. Je suppose qu’elle se venge. Quelle conne.
    Heureusement que tu n’as pas hérité d’elle !!!

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *