Les Rougon Macquart #5 La faute de l’abbé Mouret

Hors du temps et du rythme effréné du monde, dans la modeste petite église d’un village ne figurant sur aucune carte d’état major, l’abbé Serge Mouret voue un amour sans borne à la vierge Marie avant de découvrir une passion bien plus charnelle dans un paradis de pacotille

Après quatre romans plutôt durs, Emile Zola accorde à son lecteur une petite pause en forme de respiration avec un roman allégorique autour de la Genèse, du jardin d’Eden et du péché originel. C’est de la grosse ficelle, tellement grosse que tu peux le faire lire à ta fille de 5 ans, elle comprendra bien de quoi il est question. Mais bien sûr, c’est du Zola, et la méchanceté crasse de l’homme n’est jamais loin.

la faute de l'abbé mouret

Le lieu

Nous sommes aux Artauds, un petit village voisin de Plassans. Pour un citadin comme moi, les Artauds c’est le bled. Pour paraphraser Frédéric Dard, c’est le genre de coin où il fait bon poser ses valises le temps d’un weekend mais où on devient neurasthénique au bout de trois jours. Une poignée de maisons, un dépôt de pain, des habitants peu amènes, vaguement consanguins….et sur la colline, dominant le village, la petite église où Serge Mouret, ordonné prêtre à 25 ans, exerce sa cure, ayant préféré le dénuement du petit village à une affectation plus prestigieuse. Car Serge n’a besoin de rien pour être heureux, il voue à la vierge marie une passion dévorante qui remplit son petit cœur d’adolescent tardif.

Les personnages

Côté Rougon Macquart, nous avons Serge Mouret et sa soeur Désirée, tous deux rencontrés dans le précédent opus, la conquête de Plassans. De rares mais déterminantes incartades du docteur Pascal Rougon, sorte de témoin de moralité qui semble avoir vu dans le jeu de Serge que ce dernier n’est pas si heureux que ça en soutane, ou qu’il s’y berce d’illusions et de dévorantes passions, nuisibles à sa santé (car ne l’oublions pas, les Mouret portent en eux la malédiction d’Adélaïde Fouque : la folie. La folie qui a déjà tué les parents de Serge, la folie qui habite aussi celui-ci sous forme de cette passion dévorante pour une vierge de plâtre).
Côté tentatrice, Eve en son Eden, nous avons une jeune et farouche créature, la belle Albine. Plante sauvage auto-éduquée dans son jardin, qui séduit le beau Serge d’une simple oeillade.
Côté sauvons la morale, nous avons le détestable frère Archangias qui, comme son nom l’indique, va ramener le brave Serge dans le droit chemin…oui, je t’avais prévenu, ce roman n’est pas très subtil.
Et pour le reste, nous avons quelques villageois plutôt grégaires, qui servent uniquement de prétextes à quelques scènes de la vie rurale bien dégueulasses qui ne font qu’annoncer le roman que Zola consacrera aux paysans quelques années plus tard, la Terre (on en reparlera).

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Le contexte historique

Pas grand chose à dire de ce côté-ci, le roman ayant un côté hors du temps, hors du monde des vivants…l’histoire pourrait se passer un siècle plus tôt, un siècle plus tard, c’est l’éternel recommencement des passions adolescentes comme je te souhaite d’en avoir vécue quand tu étais toi aussi un adolescent bulbeux et boutonneux.

Tout est en place, le rideau se lève sur…

Le jour se lève sur les Artauds et le lecteur suit le train train de la petit église du village et de son sympathique curé, l’abbé Mouret. On se lève avant le soleil, on fait une première petite messe avant la collation, puis une prière, ensuite on va faire la tournée du village, on revient à l’église pour la suite des réjouissances…un peu chiant il faut le reconnaître. Ce roman qui fait suite à des récits assez dynamiques la faute de l'abbé mouretprend son temps pour poser une ambiance très contemplative. Il ne se passe pas grand chose dans la vie de l’abbé Mouret qui peut consacrer toute sa passion à la vierge de plâtre peint qui représente l’objet de sa passion depuis le séminaire, la maman de Jésus, la vierge marie. Le curé l’aime si fort qu’un soir, pris d’une
crise mystique, il manque crever de tant l’aimer. Son tonton le Docteur Pascal l’envoie en convalescence dans la propriété d’un ami, un vieil excentrique qui garde une demeure seigneuriale en ruine et son immense et sauvage jardin, le Paradou. C’est dans cet immense et sauvage jardin ceint d’un haut mur qui l’isole de la terre des hommes, du petit village des Artauds, de son église et de sa statue de vierge que l’abbé Mouret, devenu amnésique, découvre l’amour fraternel puis charnel dans les bras de la jolie Albine. On se promène dans le jardin, on joue au papa et à la maman, on fait dînette au pied d’un grand arbre et on tire un coup au pied d’un autre grand arbre (celui dans lequel il y aurait le serpent dans la bible…). Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où le curé entrevoit son village par un trou du mur de la propriété. Il entend sonner la cloche et prend conscience qu’il a mangé le fruit défendu. Heureusement le bon père Archangias est là pour le ramener dans le droit chemin….le brave Serge reprend le chemin de l’église du village et du train train de sa morne vie de curé de campagne tandis qu’Albine se laisse dépérir…

Les liens du sang

Bienvenue chez les Mouret : fadas de père en fils. Il y a une folie destructrice chez le beau Serge, ça ne fait pas un pli. C’est bien le fils à ses parents celui-là!

La cerise sur le gâteau

On ne va pas se mentir, ce livre est une purge, c’est assez chiant, les descriptions prennent des pages et des pages, surtout celles du Paradou et des escapades bien nunuche de Serge et Albine. Les scènes de passion religieuses rappellent qu’à cette époque on pouvait traiter à grand coup de religion les élans charnels de la tendre adolescence. La faute de l’abbé Mouret annonce d’autres auteurs qui ont aussi traité le sujet au siècle suivant, comme Gide ou Maurois… Les scènes avec le père Archangias, sorte de double vertueux jusqu’à l’obsession sont quand même bien délectables dans leur genre.

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