Iron Maiden live à la Waldbühne

Iron Maiden passait en live à la Waldbühne de Berlin le 31 mai 2016 et j’y étais. L’occasion d’un coup de projecteur sur cette salle de spectacle historiquement chargée et sur un événement magique pour tout metalleux qui se respecte

La Waldbühne

Construite à l’occasion des JO de Berlin de 1936 et attenante au stade, la Waldbühne est un lieu de spectacle inspirée des théâtres romains. La propagande nazie aurait aimé un amphithéâtre de 100 000 places, il n’en fait que 20 000 mais c’est déjà très spectaculaire. Imaginez une extrémité d’un grand stade dominant une fosse circulaire qui ressemble à une piste de cirque. Vous entrez par le haut, traversant un bout de forêt pour déboucher sur cette salle très pentue dont les zones sont séparées par des haies de buis et de petits murs de pierre sèche. C’est très bucolique et le climat qui s’installe est tout de suite positif. Ici, on se sent bien. Rien à voir avec les stades où vous êtes loin de la scène où que vous vous trouviez, ni avec les arena oppressantes. Même si c’est très grand, vous n’êtes jamais vraiment éloigné du spectacle et vous pouvez l’apprécier en vous passant de la retransmission sur l’écran.

A overview of the theatre Waldbuehne taken from the Glockenturm at the Olympic compound in Berlin on July 27, 2011. AFP PHOTO / PATRIK STOLLARZ (Photo credit should read PATRIK STOLLARZ/AFP/Getty Images)
Impressionnant, l’environnement de la Waldbühne l’est également. Cet espace est construit à flanc de colline en plein milieu d’une forêt avec le ciel infini pour seule toiture. Entourée par la sombre frondaison, la Waldbühne est un lieu assez magique. Le site accueille 500 000 visiteurs par an mais le meilleur moyen de découvrir ses charmes c’est lors d’un concert. On constate alors que l’aménagement du lieu, avec ses gradins de plus en plus pentus au fur et à mesure qu’on s’élève, a contribué à une acoustique de premier ordre. Le son circule naturellement, il ne rebondit pas sur le plafonds, il n’est pas piégé par la structure, il est délivré franco de port à tous les spectateurs.
En fait, le seul problème d’une salle à ciel ouvert, c’est le temps. La saison des concerts ne dure que six mois et il y a toujours un risque de pluie. S’il pleut, vous êtes mouillé et c’est beaucoup moins amusant. Heureusement pour nous, malgré une météo menaçante et des prévisions d’orage, nous avons assisté aux live du 31 mai sans prendre la moindre goutte.

Le groupe : Iron Maiden

Dans le Metal comme dans le Rock, il y a eu les pères fondateurs et il y a eu les apôtres. Les premiers ont jeté les bases et lancé la machine, les suivants ont repris la sainte parole et l’ont élevé à un rang supérieur, en la projetant plus loin, plus fort. Pour le Rock, il y a eu Chuck Berry, Jerry Lee Lewis, Elvis Presley…et il y a eu la déferlante britannique, les Beatles et les Stones en tête. Pour le Metal il y a eu Black Sabbath et dix ans plus tard, la NWOBHM avec notamment Judas Priest et Iron Maiden. Quand ils ont fondé leur groupe à la fin des années 70, le Metal et le Rock étaient en train de se faire ringardiser par le Punk. Le Metal n’était vraiment pas le truc dans le vent, surtout avec un Black Sabbath qui était en perte de vitesse et une jeunesse qui réclamait un back to the basics. Pourtant, Iron Maiden leur a servi un tout autre festin. Le Punk fait simple, le punk fait direct, le punk joue mal mais c’est fait exprès. Iron Maiden (et les autres groupes de la NWOBHM) jouent bien, chantent bien des chansons épiques aux paroles inspirées, aux mélodies entêtantes et à la musique divinement exécutée. Malgré toute l’estime que j’ai pour Black Sabbath, force m’est de reconnaître que la musique de Iron Maiden est autrement plus construite et surtout que son frontman Bruce Dickinson est vingt crans au-dessus de Ozzy Osbourne, tant au niveau du chant que du charisme ou de la présence sur scène, comme il nous l’a magnifiquement prouvé le 31 mai à la Waldbühne.

Le concert

Pour quiconque serait un peu à l’affût des détails, l’imminence d’un concert d’Iron Maiden entraîne des changements visibles bien avant que le groupe foule la scène. Il y a d’abord l’énorme Ed Force One piloté par Bruce Dickinson lui-même qui transporte le groupe et son matériel. Il est annoncé sur l’aéroport de la ville où se produit le gang et son apparition est déjà une preuve (massive) que quelque chose de pas banal est en train de se produire dans le coin.


Il y a aussi un foisonnement de plus en plus touffu de fans porteurs de T.Shirt à l’effigie d’Eddy. On les croise dans la rue, sur les quais et dans le train qui conduit à la Waldbühne. Arrivé à proximité du lieu, le public très typé à base de TShirt Maiden, vestes à patch et tout le décorum du métalleux ne laisse plus planer le moindre doute, Maiden est dans la place (et non, personne ne montre son cul).
Ce soir deux groupes ouvrent pour les anglais. Il y a d’abord The Raven Age, une jeune formation dont le Heavy Metal pataud et guère original n’a pas convaincu grand monde. C’est gentil, dynamique, ça en veut mais ça ne pisse pas très loin. De toute façon, à l’heure où se produit The Raven Age, une bonne partie des spectateurs est encore hors de l’enceinte où aux stands de bière et bretzel pour un ravitaillement d’avant concert. Il y a ensuite eu Ghost, accueillis avec bienveillance mais sans réelle émotions. Le Hard’n Roll sataniste est bien passé mais n’a pas déchaîné la liesse. Le public semble se réserver pour la tête d’affiche et la suite de la soirée a confirmé que l’énergie accumulée n’attendait que l’entrée en scène de la vierge de fer pour déchaîner une tempête positive pendant les deux heures qu’a duré le set comme ci-dessous sur Powerslave…

Ce qui frappe de prime abord dans un concert de Maiden, c’est l’abus de théatralité et la débauches de moyens pour ajouter un côté spectaculaire et visuel au show. Un décor de temple maya, un backrop qui change à chaque chanson, une marionnette Eddy de 3 mètres de haut, un dessin animé digital (très laid) en guise d’introduction. Pour peu on se croirait dans une comédie musicale de Kamel Ouali. Mais on pardonne tout cet enrobage, on l’oublie finalement assez rapidement quand le groupe prend possession de la scène. Que ce soit Nico McBrain derrière son énorme kit de batterie, Steeve Harris (basse), Dave Murray, Adrian Smith et Janick Gers les trois guitaristes et bien sûr le maître de cérémonie Bruce Dickinson, le sextet est au taquet et envoie sans faiblir des morceaux d’anthologie à la pelle. Qu’ils soient extraits de leur dernier album ou des pièces maîtresses de leur discographie, les 15 morceaux interprétés ce soir là ont prouvé s’il était nécessaire que malgré l’âge et la récente maladie de Bruce Dickinson, le groupe est toujours au top. Certes le chanteur n’a plus l’aisance de ses jeunes années et il est un peu à la peine sur certains passages, notamment quand le chant va un peu waldbuhne 2vite (comme sur l’ouverture de « The Red and the Black »= ou quand il faut tenir une note sur la durée (comme sur l’ouverture de « Hallowed by the name »). Mais le spectacle n’est en rien gâché car d’une part le chanteur ne ménage pas sa peine et envoie toujours du lourd et du mélodique, bondissant comme un cabri d’un bout à l’autre de la scène, jouant avec son pied de micro, optimisant les différents niveaux du décor pour se déplacer et changer de posture. Et bien sûr, Bruce Dickinson profite des longues échappées instrumentales de ses cinq complices pour reposer sa voix sans pour autant quitter la scène, contrairement à d’autres chanteurs qui ont une fâcheuse tendance à disparaître en coulisse pendant que le guitariste tape un solo.

Ce qu’on constate également à l’écoute de ce live, c’est que les chansons de The Book Of Soul ont été écrites pour le live. « If Eternity Should Fail » sert d’intro majestueuse, « Speed Of Light » envoie la dose de boost qu’il faut pour accélérer le tempo et mettre un peu plus le feu mais c’est surtout « The Red and The Black » avec son refrain idéalement taillé pour être repris en chœur par le public, ses parties chantées qui permettent à Bruce Dickinson d’étaler son talent avec des changements de rythme, de tessiture et d’ambiance et bien sûr ses longues parties instrumentales, l’intro à la guitare acoustique et les soli de mi-morceau qui laissent à chaque gratteux un espace artistique pour envoyer des ondes guitaristiques hautement positives, dans le cadre de joutes de guitaristes, chacun des trois artistes dialoguant et se passant le relais dans un enchaînement de soli et de dialogues très jouissif.

« Scream for me Berlin »

Deux heures de concert donc, 15 chansons dont 6 issues de The Book Of Souls, 3 de The Number of The Beast et 1 de Brave New World, Fear of The Dark, Iron Maiden, Powerslave, Piece of Mind et Somewhere in Time. Un moment magique et le sentiment d’avoir assisté à un des plus beaux concerts de l’année sinon de mon existence…(oui, c’est grandiloquent, mais peut-être suis-je encore sous le coup de l’émotion).

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