M.I Gang, le Metal qui vient du froid

Photo noir et blanc avec un cadrage bizarre. Trois mecs à la mine patibulaire pris en flagrant délit de sortie de voiture. Deux fixent l’objectif, le troisième ses godasses. Grosse barbe, piercing, tatouages faciaux, bonnets noirs, vêtements noirs. Power trio originaire de Saint-Petersbourg, M.I GANG ne fait pas dans le bal musette.

Tout comme la pochette de leur dernier disque, ces gars là ont une âme noire. Leur musique est directe, brute, rapide (la plupart des titres tournent entre 2.30 et 3.00) et organique. Une basse très présente (et très intéressante), une batterie et une guitare rythmique énergiques, un chant badass et insolent. Tels sont les ingrédients distillés tout au long des huit titres. Mais avant de parler du présent, jetons un coup d’oeil sur la genèse de la formation.

Le groupe commence à émettre sous nos latitudes il y a trois ans. Au début, le projet s’appelle MISANTHROPIC ILLNESS et c’est un quatuor avec une chanteuse. Publié en janvier 2014, leur debut Tramp était tout ce qu’il y a de plus Punk. Un chant gueulé, un riff archi basique, une batterie à l’avenant. De l’énergie brute mais encore assez juvénile et mal dégrossie. Le genre qui met le feu au pit mais qu’on n’a pas forcément envie d’écouter en boucle à la maison. Le gang poursuit sur sa lancée avec Road Ally paru six mois plus tard. Un nouvel effort qui ressemble beaucoup au précédent, les mêmes qualité et les mêmes défauts.
Et puis en juin 2015, coup de théâtre, le groupe change de nom et son line-up se resserre, exit la chanteuse, MISANTHROPIC ILLNESS mue en M.I GANG et adopte la formation qu’il a encore aujourd’hui, le trio parfait basse, guitare batterie. Sur l’album M.I Gang, publié à cette époque, c’est le bassiste qui reprend la place laissée vacante par la chanteuse. Le tempo se ralentit, les compos sont plus construites, la voix plus posée et certaines chansons dépassent les trois minutes. Dans les inspirateurs, outre BLACK SABBATH dont le bassiste arbore fièrement le logo tatoué dans le cou, le Grunge a manifestement beaucoup influencé le trio, notamment NIRVANA. L’influence du combo de Kurt Cobain est très palpable sur ce disque ainsi que sur le suivant, Lowe It publié en juillet 2016. Toutefois, si l’on fait abstraction de ces similitudes, il y a de bonnes idées ici et là, les mélodies sont catchy et le groupe dégage un petit quelque chose qui donne envie d’y retourner. Et ça tombe bien car nos prolifiques amis remettent ça en octobre avec un cinquième projet, Kiitos (merci, en finnois).

Ce nouveau disque revient aux compos ultra rapides des débuts du gang, gomme peu à peu son envahissante influente nirvanesque (mais pas complètement non plus) et propose un joli bouquet bien goudronné fait de brûlots directs comme un shot de vodka. Les compos reposent surtout sur l’énergie et la patate et cela, les russes en ont à revendre (quand ils ne la distillent pas pour fabriquer de la gnole). Retour aux sources sur le format et l’énergie, mais tout en retenant les leçons. Car en trois ans, le trio a bien progressé et la construction des morceaux est un poil au-dessus de la musique de leurs débuts. Cela se traduit par un groove d’ensemble ainsi que par ces quelques petits inserts ici et là qui donnent au disque une saveur particulière, un petit goût de revenez-y qui fait du bien. Alors, vraiment un grand kiitos aux trois russes pour cette petite révélation.

M.I Gang

Nous avons voulu en savoir plus sur M.I Gang, alors nous les avons interviewés

Interview de Arthur (guitare) et Serge (batterie) réalisée par Hank le 17.12.16 par email.

Hank : Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes devenus musiciens ?
Arthur : J’ai écouté du Hip-Hop toute ma vie. Quand j’étais ado, je détestais le Metal, c’était un truc vraiment étrange et bidon de mon point de vue. Des mecs avec les cheveux longs, des pantalons en cuir et qui poussaient des hurlements marrants. Quand j’ai eu 16 ans, j’avais un ami à l’école qui jouait de la guitare dans un groupe de Black Metal et je lui ai demandé de m’apprendre à faire comme lui. Je ne sais pas ce qui m’a motivé mais j’ai pensé que ça pourrait être intéressant.
Serge : J’ai été obligé d’apprendre la batterie parce que à l’école que je fréquentais, on manquait de batteurs.

Hank : Pourquoi avoir finalement choisi le Metal ?
Serge: Je pense que c’est parce que j’aimais avoir les cheveux longs quand j’étais môme !
Arthur : Ma première guitare était un truc vraiment cheap, quelque chose comme une imitation de King V mais là où j’habitais, c’était considéré comme quelque chose de très cool. J’ai rejoint un groupe de Thrash Metal local. Je ne savais pas comment on jouait du Thrash, mais j’apprends vite.

Hank : Vous avez publié cinq disques depuis les débuts de M.I GANG, mais est-ce que vous êtes plutôt un groupe de live ou de studio ?
Arthur : Nous sommes les deux, mais je préfère travailler en studio. C’est comme constituer un héritage, quelque chose que tu puisses montrer à tes parents. Malheureusement, il n’y a pas internet en prison, donc mon père ne sait rien de notre musique.
Serge : De mon point de vue, nous sommes plus des modèles de photo qu’un groupe !

Hank : Quels sont vos hauts faits en tant que groupe Metal ?
Serge : Si par haut faits tu entends des trucs dingues de metalhead, j’ai lancé ma grosse caisse dans le public parce que j’étais énervé par…euh, je ne me souviens plus.
Arthur : Quand Serge a lancé sa grosse caisse dans le public. Je pense que quelque chose l’avait énervé.

Hank : Quel est le premier album de Metal que vous ayez acheté ?
Serge: Acheté ? Ha ha, nous sommes russes. Le premier album de Metal que j’ai volé à un ami était Chaos A.D de SEPULTURA.
Arthur: Oleg Gazmanov sur cassette. En Metal, des albums de NAPALM DEATH sur cassette aussi. Je n’ai pas eu de lecteur CD avant mes quinze ans.

Hank : Quelles sont vos principales influences ?
Serge: LED ZEPPELIN
Arthur: ONYX, WU TANG CLAN, BLACK SABBATH, BAD BRAINS

Hank : Qu’est-ce qui vous plait le plus dans le style de Metal que vous avez choisi de jouer ?
Serge: J’aime mon style de Metal car il est plus facile à jouer que le Mathcore ou ces conneries Prog.
Arthur: Jouer Heavy et grave. J’aime la musique dark.

Hank : Est-ce facile d’être un groupe de Metal en Russie ?
Serge: Hell No!
Arthur: Non, rien n’est facile en Russie

Hank : Pouvez-vous essayer de décrire la scène Metal russe ?
Serge: Nous avons un bon mot russe, malheureusement intraduisible, c’est govnari. Pour être plus précis, je dirais que la scène est pleine de types dépourvus de la moindre once de professionnalisme, qui sont bloqués dans le passé et n’ont aucune capacité à évoluer.
Arthur: Clairement govnari. La plupart des musiciens d’ici ne comprennent ni ce qu’ils veulent, ni ce qu’ils font.

Hank : Etes-vous proches d’autres groupes russes de Metal ?
Serge et Artur : Non.

Hank : Qu’est-ce qui est le plus difficile pour un groupe de Metal en Russie ?
Arthur: Les conneries avec la paperasse. Les visas. Nous ne pouvons pas travailler ni voyager simplement comme les européens de l’ouest à cause de ces conneries. On peut régler les autres problèmes grâce à internet, travailler sur nos disques, nos endorsements, nos concerts. J’ai du mal à imaginer comment les musiciens faisaient pour travailler avant internet, mais je pense qu’ils s’en foutaient.
Serge: Payer son loyer et acheter à bouffer.

Hank : Pourquoi est-ce important pour votre groupe d’être reconnu à l’etranger ?
Serge: Il n’y a aucune perspective en Russie, pour plein de raisons.
Arthur: En Russie, tu peux aller en prison parce que tu es gay, anti-religion, ou parce que tes chaussettes sont de la mauvaise couleur. Donc nous n’en avons rien à battre de ce qui peut se passer en Russie.

Hank : Dans quels pays rêvez-vous de jouer ?
Serge: En Europe de l’ouest, aux USA.
Arthur: USA, Royaume-Uni, Australie, j’ai toujours eu envie de boxer avec un kangourou.

Hank : A l’origine du groupe, vous aviez une frontwoman, pourquoi êtes vous passé sur une formule à trois à partir de l’EP M.I Gang ?
Serge: Elle avait une belle voix mais malheureusement, elle ne collait pas dans la nouvelle conception du groupe.
Arthur: Parfois, les gens ont besoin de comprendre qu’ils ne font pas ce qu’ils sont supposés faire à un moment précis de leur existence, et qu’ils ont besoin d’essayer quelque chose d’autre. Parfois il est nécessaire d’aider les gens à le comprendre.

Hank : Depuis que vous êtes devenu un trio, votre musique a évolué du Punk Hardcore vers le Metal Alternatif, pourquoi ?
Serge: Les usages du monde
Arthur: Nous avons encore pris une nouvelle direction sur Kiitos

Hank : Comment avez-vous appris la musique, êtes-vous autodidactes ?
Serge: Autodidacte et fier de l’être. Mais aujourd’hui je suis moi-même prof.
Arthur: Autodidacte. Je n’ai jamais aimé l’école, les devoirs du soir et toutes ces conneries. En apprenant tout seul, j’ai développé mon propre style, mon propre son, parce que j’étais seul à décider ce que je voulais apprendre.

Hank : Vous publiez plein de photos de vos tatouages sur internet, pourquoi le tatouage est-il si important pour vous ?
Serge: Les filles aiment l’encre !
Arthur: C’est le seule moment de fun dans notre vie chiante. Parfois je tatoue des stickers très laids sur mon corps ou sur des potes, mais c’est vraiment tarte, donc s’il te plait, ne me demande pas de t’en faire un.

M.I Gang

Toutes les infos, des photos sympa (si vous aimez les tatouages, y a du lourd) et le son du groupe sont sur leur page facebook : https://www.facebook.com/misanthropicillness/?fref=ts

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