Humanz des Gorillaz, plus une bonne compilation qu’un album

Le 12 Octobre 2015, Jamie Hewlett, illustre illustrateur anglais, annonçait travailler sur
l’arrivée prochaine d’un quatrième album studio des Gorillaz pour le courant de
l’année suivante, et naturellement, tout le monde a accueilli avec bonheur la nouvelle
comme l’arrivée d’un heureux événement. Bon, les aléas ont fait que la gestation a pris un
peu plus de temps que prévu néanmoins il n’a pas été trop tard. Et en cette période
morose et désespérante, voire dramatique et douloureuse, un nouvel opus d’un des
groupes les plus appréciés de la galaxie pouvait apporter de la couleur, de l’espoir et de la
joie dans nos existences désenchantées.

Printemps 2017, Humanz est disponible sur
Terre, malheureusement il ne ménage pas notre frustration.

gorillaz

De prime abord, la pochette constituée de quatre cadres affichant les visages de 2-D
(Damon Albarn), Noodle, Murdoc et Russel rappelle naturellement celle de Demon Days,
sauf que les personnages apparaissent ici en 3D avec plus de détails. Douze ans
séparent ces albums et depuis les dessins animés ont fait place à l’animation par images
de synthèse, ce qui rend les Gorillaz plus humains justement, et ce sans perdre leur
aspect cartoonesque (ouf). L’aspect graphique a toujours été partie intégrante de l’univers
du groupe et sur ce plan-là, tout est bien respecté. Magie des technologies modernes, les
Gorillaz ont même donné pour Tsugi vrai une interview en réalité augmentée (en quelque
sorte), tout du moins les membres sont sortis du cadre purement virtuel. Et en plus, les
clips illustrants Humanz sont même devenus interactifs. Pas étonnant que les choses ont
plus de temps à se faire, on peut de nouveau féliciter le travail incroyable de Jamie
Hewlett.

humanz

Maintenant qu’en est-il de la musique ? Jusqu’à 18 chansons pour la version deluxe, et
comme d’habitude une foule de guests de marque venus de différents horizons musicaux
de la sensation rap westcoast Vince Staples à l’icônique Grace Jones en passant par le
chanteur soul Anthony Hamilton ou bien Rag’n Bone Man dont on entend beaucoup parler) se mêlent à des talents méconnus comme l’artiste house music Peven Everett ou Kali Uchis, promettant un beau patchwork comme ça a été le cas pour Demon Days et Plastic Beach il y a déjà sept ans. Mais la réalité ne rattrape pas la fiction, l’artistique, le concept semblent avoir échappé à leurs concepteurs. Cela se pressent dès les premiers titres, à commencer par l’entraînant « Ascension » suivi de « Strobelite », résolument house, et ensuite « Saturn Barz » avec le jamaïcan Popcaan. Comme l’impression qu’on a
plus affaire à une compilation plutôt qu’un véritable album, que les Gorillaz ne sont plus
tout à fait maîtres de leurs créations. Pourtant, le groupe a conservé ses ingrédients à
base de pop, rock, hip-hop, électro et de fun, mais dès qu’il s’agit d’électro, c’est bien
souvent house (« Halfway to the Halfway House », « Out of Body », « Sex Murder
Party »…). Nettement moins mélancolique qu’auparavant et plus consensuel aussi.

Chaque chanson a bien ses propres caractéristiques, hélas cette impression de n’écouter qu’une compilation (comme je disais plus haut) dont les Gorillaz n’en sont que les producteurs devient irréversible au fur et à mesure que les morceaux passent. C’est toujours très éclectique, évidemment créatif à défaut d’être très original ou génial, en tout cas pas autant qu’ils le furent par le passé. Un assemblage de bonnes idées et d’intentions qui vont plus dans le sens des visiteurs que du leur, et il y en a une chouille trop, de visiteurs. Chaque artiste y trouve un terreau favorable pour poser, que ce soit des rappeurs comme Vince Staples, le foufou Danny Brown (« Submission »), Pusha T (hé oui lui aussi, sur « Let Me Out »), ou des artistes comme Jehnny Beth, Peven Everett et même Rag’n Bone Man (qu’on arrête pas d’entendre à la radio) sur le midtempo « The Apprentice ». Quelques invités ont été utilisés à contre-emploi, notamment Anthony Hamilton qui chante comme jamais sur « Carnival ». La troisième collaboration avec les De La Soul (« Momentz »), en revanche, est aussi malicieuse que périlleuse, avec cette musique de fête foraine limite Black Eyed Peas.

Des chansons répondent à la définition que l’on entend des Gorillaz, de celles qui fait travailler un peu les neurones et sortir de notre zone de confort, telles que « Charger », un son axé rock avec cette grande dame excentrique Grace Jones, « Andromeda » avec la révélation r&b D.R.A.M. qu’on a découvert fin 2016, « We’ve Got The Power » et « Hallelujah Money » avec le très talentueux Benjamin Clementine (quelle voix!). Mais il y a trop de « mais ». C’est pas la panacée, c’est désappointant, bien que l’album soit très cool dans l’ensemble. Globalement, la signature du groupe se retrouve en quantité insuffisante. Damon Albarn est trop effacé, parfois avec la voix masquée derrière un combiné, il se laisse voler la vedette. Humanz n’et pas l’OVNI souhaité. En devenant humains, les Gorillaz ont perdu un peu de leur âme.

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