Les Chippendales : des pectoraux, du stupre et du sang

Chippendales 1980
Tout en mulets et en moustaches

Ecrire un papier sur les Chippendales en 2020, c’est au mieux totalement anachronique, au pire complètement ringard. Et pourtant je m’y jette avec plaisir et envie de vous faire découvrir l’envers du décor de cet empire du spectacle des années 80, beaucoup moins glamour qu’il n’y pourrait paraître. Quand une idée de génie change un businessman raté en producteur fortuné, cela engendre de la curiosité, de la jalousie et de la haine.

Né à Bombay en 1946, Somen « Steve » Banerjee a toujours cru en son rêve américain. C’est en 1969 que celui-ci commence à se réaliser lorsqu’il émigre à Los Angeles et qu’il achète une station-service avec l’argent d’un héritage familial. Être dur en affaire ainsi qu’avec ses employés doit être un gage de réussite car dès 1973, grâce aux bénéfices générés, il peut s’offrir un deuxième business, un night-club cette fois-ci, qu’il nommera le Destiny II. Les débuts sont chaotiques. La clientèle n’est pas au rendez-vous et Banerjee désespère de l’attirer. Jusqu’au jour où, déprimé par cet échec, il traîne sa peine dans un bar à striptease hollywoodien et découvre le show délirant des Bunny Girls de Playboy. Leur triomphe est incroyable et l’idée de les imiter germe dans sa tête. Cependant, plagier le spectacle d’un géant comme Playboy, n’est pas une option. C’est pourquoi l’homme d’affaire d’origine indienne décide de le transposer en version masculine. Il ouvre son club à 20h00, seulement pour les femmes, qui viennent découvrir 10 danseurs triés sur le volet : moins de 25 ans, 1m80 minimum, corps musclés et épilés de frais. Les Chippendales sont nés. Ils chauffent l’ambiance à blanc, et à 22h00 tapantes, ils débarrassent le plancher pour laisser la place à la clientèle masculine, qui profite des esprits échauffés pour offrir et consommer des cocktails le reste de la nuit.

Steve Banerjee
Steve Banerjee, l’indien qui rêvait d’Amérique

Chaque soir, le succès est plus grand que la veille et en 1981, Steve Banerjee décide de faire appel à Nick De Noia, chorégraphe reconnu à Broadway, afin de professionnaliser le show. L’effet est immédiat. La réputation de De Noia ainsi que la qualité de son travail font de cette réussite locale une réussite nationale et très rapidement internationale. A tel point qu’il exige toujours plus d’argent auprès de son associé, allant jusqu’à menacer de créer des groupes de danseurs concurrents. Banerjee qui ne s’est jamais embarrassé avec la légalité (dès 1979 il est soupçonné d’avoir commandité des incendies dans des night-clubs voisins), demande à des petites mains de la mafia locale de faire peur à De Noia afin que celui-ci revienne à la raison. L’intimidation est un échec et le chorégraphe est finalement retrouvé gisant dans une mare de sang, le 7 avril 1987. Reprenant ainsi la main sur son empire, et n’étant pas inquiété pour le meurtre de son associé, il décide de pousser le vice jusqu’à tenter de faire assassiner 2 membres d’un groupe rival, qui commence à avoir son petit succès : les Adonis. Malheureusement pour lui, un intermédiaire dans cette affaire est de mèche avec les Fédéraux et Steve Banerjee finit par tomber en 1994. Alors que, sentant le vent tourner, il a acheté un billet sans retour pour l’Inde, il est arrêté par le FBI, qui a remonté la piste vers chacun des crimes du magnat de la nuit. Écroué, il n’assistera jamais à son procès et se pend à la porte de sa cellule le 24 octobre 1994.

Nick de Noia, le chorégraphe assassiné

De l’essence aux paillettes pour finir dans le sang, l’épopée de Somen « Steve » Banerjee est une véritable parodie morbide du rêve américain. Un bon scénario de série Z comme on les aime. Pourtant, l’idée de départ était probante, le succès ne s’étant jamais démenti. Aujourd’hui encore, et dans la respectabilité cette fois, les Chippendales attirent près de 2 millions de spectatrices dans une centaine de villes dans le monde. Une réussite qui fait pâlir de jalousie Frank Michael.

Tout en cuir et sans poils

 

 

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