Sophie Calle, reine de l’autofiction

Un ami m’a fait parvenir une photographie d’une « interview » de confinement que Sophie Calle.

Au-delà de se repaître de ses – délicieuses – réponses désabusées, c’est aussi l’occasion pour moi de parler d’une artiste que j’affectionne particulièrement.

Je suis tombée amoureuse d’elle dans une lettre de rupture.

Ou plutôt un mail. Alors choisie pour représenter la France à la Biennale de Venise de 2007, Sophie Calle propose une exposition incroyable « Prenez-soin de vous ». Sa genèse ? Un mail de rupture qui lui a été adressé. Incapable de le sonder, elle l’envoie à 107 femmes pour le commenter, le décortiquer, l’analyser, lui donner matière à penser quand elle est bouleversée.

Elle choisit l’altérité pour exposer son intimité, 107 réponses variées, en chansons, en gestes et même en grille de mots-croisés. Ce détour permet de mettre de la distance avec ce mail, de vivre la rupture mais aussi de s’en emparer. Par le prisme de 107 voix singulières une œuvre est constituée.

Cette entrée dans l’univers de Sophie Calle permet de comprendre deux de ses sujets de prédilection : l’absence et l’intimité jusqu’à l’autofiction.

Sophie Calle s’empare de fragments de vie. Elle utilise la photographie, la vidéo, l’écriture ou sa propre personne pour en faire des œuvres. Elle débute en suivant des inconnus dans la rue ou les invitant à dormir dans son lit, qui a donné la série Les Dormeurs.

Son travail frôle la manie parfois, elle collectionne, multiplie, répertorie pour retracer l’existence de Soi ou de l’Autre qui disparaît. Elle ne cherche pas l’authenticité non plus, elle magnifie l’intimité dans un système narratif qui lui est propre. Se plonger dans un livre de Sophie Calle – ou une de ses expositions – c’est se laisser conter des émotions, des gestes, des vies.

On effeuille des photos qui semblent volées, on joue aux détectives pour déterminer le faux de la réalité. On se prend au jeu, car elle est devenue artiste par hasard et par jeu. Et d’un coup, elle continue à surprendre, en demandant « Que faites-vous de vos morts ? » à ses visiteurs. Elle crée alors un recueil photographique, de cimetières du monde entier, accompagné des mots des autres, dans une grande poésie.

Et oui, elle a fait un album « Souris Calle », en l’honneur de son chat décédé en 2014. Le disque est épuisé, mais vous saurez le trouver.

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