« Civilizations » ou l’Histoire sur le fil du rasoir.

Le 30 mai dernier, l’excellent Charlie Chinasky nous faisait découvrir sur ce blog, le très original jeu  » Un Monde Meilleur « , qui nous propose de nous déplacer sur la frise de l’évolution de l’humanité, et au gré de notre humeur, de changer des événements pour voir ce qu’il en découle les siècles suivants. C’est extrêmement ludique et assez instructif sur l’idée qu’un grain de sable dans les rouages de l’Histoire peut changer totalement cette dernière et, par capillarité, la vie de tout un chacun des centaines d’années plus tard.

« L’histoire est écrite par les vainqueurs. »

Robert Brasillach

Le dernier livre de Laurent Binet,  » Civilizations  » est exactement dans cette démarche et, je l’avoue, c’est un peu ce qui m’a décidé à l’acheter, puis à le lire, et enfin à vous le présenter. On est donc sur une uchronie qui nous propose les déviations historiques suivantes : Les descendants d’Erik le Rouge partent à la découverte de l’hémisphère sud ; 500 ans plus tard, Christophe Colomb passe à côté de sa découverte de l’Amérique pendant que les Incas envahissent l’Europe. Objectivement, il n’a pas manqué grand-chose pour que les faits se passent ainsi, et pour que les conquistadors deviennent les opprimés. Quand Atahualpa parle d’égal à égal à Charles Quint ou à Luther, le cours de la grande Histoire est chamboulé et, à lire Binet, probablement dans le bon sens. Evidemment, les querelles religieuses et dynastiques sont toujours de mise, mais le pion « Inca » sur l’échiquier européen modifie la donne de manière irréversible, non seulement à l’époque, mais aussi les siècles suivants. De nos jours, le Dieu Soleil serait-il plus vénéré que Jésus Christ ou Allah ? Dans cette logique de colonisation inversée, les guerres de religions, les guerres de frontières, les guerres mondiales auraient-elles eu lieu ? La mondialisation effrénée aurait-elle cours aujourd’hui ? C’est ce à quoi l’auteur tente de répondre. Plus exactement, il nous détaille, nous explique et nous expose sa vérité, tout en restant dans les codes du roman historique.

Sortie 9 ans après  » HHhH «   et 4 ans après  » La Septième fonction du langage « ,  » Civilizations  » est sans aucun doute l’œuvre la plus ambitieuse de Laurent Binet. Elle obtient d’ailleurs le Grand Prix du roman de L’Académie Française 2019. Parfaitement documenté, ce bouquin suppose un travail historique poussé et une connaissance accrue de la géopolitique des différentes périodes abordées. Evidemment, cela laisse la part belle à l’imagination de l’auteur. La critique de son développement est possible en considérant que ses convictions politiques orientent fatalement les conclusions qu’il tire de ses déviations uchroniques. Mais l’ensemble reste toutefois parfaitement cohérent et nous emmène dans un monde meilleur. La grande érudition de Laurent Binet n’est pas repoussante dans la mesure où, comme à l’accoutumée, elle est contrebalancée par un humour très présent. En conséquence de quoi, si tu aimes les petites histoires dans la Grande Histoire et que tu n’as rien contre le fait de distordre celle-ci en te marrant un peu, achète ce livre, ou écris le tien au pire.

 » Civilizations  » de Laurent Binet est disponible chez Grasset.

2 commentaires

  • the freap
    the freap

    ah bah, là, tu m’as donné envie, en plus, la couverture est sobre et simple comme mes lectures actuelles. Un peu de complexité uchrono-gèopolitico-historique toute simple m’ira très bien.

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    • L'homme des cavernes
      L'homme des cavernes

      C’est bien de suivre mon conseil.

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