Les 7 de Chicago / Faites entrer les accusés

Comme l’indique son titre en V.O., The Trial of the Chicago 7 est un film « de procès ». Un genre ô combien cinématographique, mais que l’oeuvre peine à transcender.

En 1968, un groupe de sept activistes est accusé par le FBI d’avoir semé le trouble lors de la convention de Chicago, un évènement majeur où les démocrates des États-Unis élisaient leur candidat en vue des élections présidentielles de novembre.

7 de Chicago

Ce procès-fleuve qui s’étalera sur plus d’un an cristallise les tensions d’un pays en ébullition : assassinat de Martin Luther King en avril 1968, assassinat du candidat démocrate « Bobby » Kennedy en juin, victoire présidentielle du républicain Nixon, Woodstock en août 1969, … L’accusation de « conspiration » que subissent les 7 de Chicago devient la caisse de résonance d’un pays qui suffoque, après déjà 10 ans de conflit armé au Vietnam et l’enrôlement forcé de sa jeunesse. Par un montage habile, le film balaye ces évènements en deux heures tout pile. Il n’oublie pas non plus d’évoquer les luttes pour l’émancipation des femmes, ainsi que le droit de vote des afro-américains enfin accordé par le Voting Rights Act de 1965.

7 de Chicago

Le rêve de Steven

Spielberg voulait réaliser ce film : il avait prévu de le tourner en 2008, juste après l’infâme Indiana Jones 4. Mais le sort en décida autrement : une grève des scénaristes à Hollywood, puis la mort prématurée de l’acteur Heath Ledger (Brokeback Mountain, The Dark Knight) repoussèrent définitivement le projet. C’est finalement 10 ans plus tard qu’un nouveau casting se forme : Eddie Redmayne reprend le rôle en or laissé par Ledger, celui de l’auteur et activiste Tom Hayden, la « gueule d’ange » des 7 accusés. Autour de lui, d’autres acteurs britanniques adoptent également un accent US parfait : Mark Rylance (en avocat de la défense) et Sacha Baron Cohen (que l’on retrouvera vendredi dans la suite de Borat sur Amazon Prime). On retrouve aussi deux vainqueurs des derniers Emmy Awards : Jeremy Strong (meilleur acteur dans une série dramatique pour Succession) et Yahya Abdul-Mateen II (meilleur acteur dans un second rôle pour Watchmen). Les comédiens font feu de tout bois par la grâce d’un scénario qui laisse la place aux bons mots.

Qui qui qui est le Sorkin ?

Le scénariste et metteur en scène Aaron Sorkin est aussi doué que la personne qui chopera la référence dans ce titre débile. Des Hommes d’Honneur, The Social NetworkLe Stratège, Steve Jobs, mais aussi À la Maison-Blanche ou The Newsroom pour la télé… vous avez sûrement déjà entendu ses tirades et traits d’esprit. Très engagé politiquement, évidemment démocrate, il est quasiment l’inventeur du walk and talk : ces plans-séquences où les personnages évoluent d’une pièce à l’autre, en de longs dialogues qu’aucun cut ne vient interrompre. Si sur la page rien ne pêche, c’est plus à l’image que le nouveau réalisateur (c’est son 2e film) peine à faire vibrer sa plaidoirie.

 

La mise en scène factuelle échoue à émouvoir et tombe presque dans l’écueil d’un classique courtroom drama, à l’image du plan final déjà vu mille fois mais qui, on l’avouera, s’avère toujours efficace. Il manque à son regard la patte chaleureuse du Spielberg de Lincoln et Pentagon Papers (dont l’action se déroule 1 an après les Chicago 7). Il n’a pas non plus l’ironie glacée d’un Polanski dans J’accuse. Plusieurs fois pourtant, le film met le doigt sur les failles du système : quand le jury auquel on s’identifie est privé de preuves évidentes par la décision d’un juge partial. Ou quand le public d’un bar chic protégé par une vitre sans tain reste sourd, mais pas aveugle, aux émeutes qui se déroulent devant lui.

En pleine élection présidentielle états-unienne, le film constitue un divertissement réussi : une ode à la démocratie et une invitation à la réflexion pour de meilleurs lendemains.

« Les 7 de Chicago » est disponible sur Netflix.

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