Métaphysique du rock #12 (Ma) Nostalgie des Palma Violets

Chers internautes, mes semblables, mes frères, permettez-moi de vous parler d’un ton plus subjectif qu’à l’accoutumé. N’est-il jamais advenu au cours de votre existence que vous ayez été emballés par des artistes plus que de raison ? Ils correspondent à vos standards mais font vibrer la corde sensible un peu plus que d’autres.

Peut-être pourrais-je vous évoquer à ce sujet les Palma Violets. J’ai découvert ce groupe aux Eurockéennes en 2013. C’était l’un des premiers concerts de la journée. La chaleur était accablante, sensation vraisemblablement décuplée par un mal de tête inhérent aux manifestations culturelles de plusieurs jours. À dire vrai, je n’avais jamais entendu parler de ce groupe mais il y avait des amplis Vox et une Telecaster sur scène. Reconnaissez que ça attise la curiosité.

Un auto-nommé Harry Violent, roady de sa condition, jaillit sur scène dans un état qui me fit dire que ledit mal de tête lui était familier. Il annonça ses copains musiciens avant de s’en aller comme un prince, marchant vers le public et regardant ses potes arriver. Chute de la hauteur de la scène, peur du public, visage en sang, enjambement de barrière et pogo lancé. Les Palma Violets plaquèrent leur premier accord.

Évidemment, le public faisait preuve d’un peu de retenue. Danser devant des inconnus, faut pas déconner. Ça se mérite qu’on danse devant vous chers musiciens. Les artistes se doivent de gagner le cœur et l’âme de ces connaisseurs qui petit-déjeunent avec un bol de pastis, c’est ainsi. Quant à moi, je dois dire que j’étais fasciné par cette vingtaine virevoltante, heureuse comme pas possible d’être sur scène et de jouer du rock. Figurez-vous que j’allais recevoir ma nouvelle guitare, une Telecaster aussi, dans les jours qui suivaient. Alors je m’imaginais moi-aussi en jouer un jour sur une grande scène.

Ah, l’idéalisme. D’ailleurs – si la digression est permise – j’ai dans l’idée que le jour où on perd son idéalisme de jeunesse et que l’on devient résigné, que l’on se dit qu’on ne peut plus changer les choses, c’est qu’on est devenu un adulte. Je ne souhaite à personne de devenir un adulte. De grâce, gardons la fougue de l’adolescence. Pardonnez moi ce rabâchage.

J’étais donc absorbé par ce quatuor qui jouait ses morceaux comme si le monde entier se devait de les connaître et qui reprenait des chansons incroyables comme « California sun ». Harry Violent faisait même son retour sur scène à la fin pour chanter. Ce type vous fait comprendre que ça ne sert à rien de prendre des cours de chant lyrique pour avoir une voix mélodieuse. (Pas du tout).

« Jumping jolly to the end »

Et que fait-on lorsqu’on a fait une chouette découverte musicale ? On la partage. Ainsi, on écoute l’album un paquet de fois avec les copains. On s’amuse à reprendre des chansons en buvant quelques bières, on écoute « 14 » en boucle quand le soleil se lève et on retourne voir le groupe en concert avec ces nouveaux fans.

Et figurez-vous que si j’aime tant ce groupe, ce n’est pas tant pour sa musique (aussi géniale soit-elle) mais pour tous ces souvenirs. Sous la bannière des Palma Violets, se lèvent dans mon esprit des moments de douce nostalgie. Franchement, peu m’importe que leur musique reste dans les annales. C’est ma madeleine de Proust, sauf que lire Proust c’est chiant et qu’avec les Palma on a envie de boire une bière et de sortir sa gratte.

Pourquoi vous racontez tout ça hein ? Ben parce que ça illustre pas mal ce qu’est le rock. L’essence de cette musique est d’être vécue, ressentie et partagée. On n’écoute pas les Talking Heads comme on écoute Chopin. Évidemment que certaines musiques touchent au sublime et invitent à l’introspection. Il n’empêche que le rock est ontologiquement lié à ce partage. Souvenez-vous, le rock c’est dire « j’existe ». Ou plutôt « nous existons ».

 

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