Simulacra, une aventure horrifique qui donne à réfléchir

La société indépendante Kaigan Games, à l’origine de Simulacra, est specialisée dans un genre spécifique depuis cinq ans maintenant : le found phone text adventure game. Le principe de tous leurs jeux est similaire : vous utilisez un téléphone et en explorant son contenu vous commencez une enquête, souvent liée à la disparition ou la mort d’une personne.

Ou est Anna?

Dans Simulacra, vous trouvez un smartphone abandonné appartenant à une jeune fille nommée Anna. Il semble en mauvais état et le seul document lisible est une vidéo dans laquelle Anna tient des propos incohérents, semble terrifiée et hystérique. Soudain le système se relance et l’interface revient à la normale. Vous avez maintenant accès aux emails, messages et applications d’Anna. Et déjà, ses contacts vous envoient des messages. Greg, son petit ami, qui s’est brouillé récemment avec elle, Ashley son amie d’enfance, Taylor, un match récent d’une application de rencontre qui semble très attaché à Anna, etc…  Tout ce petit monde que vous ne connaissiez pas il y a quelques minutes cherchent  tous Anna, qui semble introuvable depuis quelques temps, et le fait que vous, un inconnu, répondiez à leurs appels, ne facilite pas les choses!

Va alors commencer une course contre la montre pour retrouver et savoir ce qui est arrivé à Anna. Votre enquête va donc vous faire ouvrir ses messages, son application de rencontre Spark (un pastiche de Tinder), son compte Jabber (un équivalent à peine masqué de Twitter), ou sa galerie de photos, par exemple. Tout cela dans le but de rentrer en contact avec ses connaissances, de forcer votre entrée dans certaines données personnelles en déduisant ses mots de passe, ou bien de créer de faux profils et fouiller dans son intimité. Toutes ces manipulations donnent un aspect bien dérangeant à la chose. Imaginez un instant que ce soit votre propre téléphone que l’on explore impunément…

Une vie entre les mains

La progression est partagée entre les énigmes à résoudre qui vous demanderont d’exploiter toutes les données d’Anna, et les dialogues avec ses connaissances plus ou moins vagues, amies ou non, qui assureront la progression de l’histoire, à force de messages textuels et d’appels téléphoniques. En cela l’une des forces du jeu est de proposer des personnages aux caractères crédibles (les acteurs vocaux n’étant malheureusement pas tous excellents, mais rien de grave), et chacun d’entre eux pourrait se révéler être un allié ou un ennemi dans cette enquête, puisqu’ils prétendent tous bien s’entendre avec Anna mais que vous ne les connaissez pas.

A vous alors de fouiller de fond en comble ce téléphone pour tirer le vrai du faux, au risque de devenir très vite paranoïaque. Car les contacts se multiplient, tandis que vous rassemblez peu à peu les détails de la disparition d’Anna. Les puzzles, quant à eux ne sont jamais incpompréhensibles et pour la plupart assez simples, même si certains d’entre eux vous demanderont un certain esprit de déduction et des recherches approfondies dans le téléphone d’Anna.

Sans en dire trop, la situation devient de plus en plus inquiétante au fur et à mesure de vos découvertes, et la tension devient palpable durant les quatre à six heures qu’il vous faudra pour terminer l’aventure. A cette durée de vie s’ajoutera vos tentatives d’obtenir les quatres fins différentes du jeu, car comme vous allez vous en rendre compte, bien que ce ne soit pas votre téléphone et donc pas votre vie qui est en jeu, vos actions ont des conséquences.

 

Un jeu d’aventure, mais pas que…

Et c’est là à mon sens la grande force de ce jeu indépendant : en vous plaçant aux commandes d’un téléphone et donc de la vie d’une jeune femme virtuelle, il joue avec votre voyeurisme et votre immunité dans ces communications à distance. De par votre anonymat  tout d’abord (les gens avec qui vous parlez ne vous connaissent pas), et sur le fait que vous n’avez même aucun intérêt personnel à aider ces personnes, car vous n’êtes pas directement en danger. L’intelligence du titre est de vous laisser jouer avec cela.

Par exemple vous pouvez liker et laisser un commentaire sur l’application, Jabber, un clone de Twitter. Cela ne sert à rien à priori, mais il y a fort à parier que certains s’amuseront à laisser un ou deux commentaires burlesques ou désobligeants juste pour obtenir une satisfaction de laisser une trace sur un fil de posts, de créer une interaction anonyme et donc libérée de toute culpabilité, Pareil pour les différentes connaissances d’Anna, vous pouvez être consensuel, manipulateur, sarcastique ou même condescendant, si vous le souhaitez, puisque vous ne les connaissez pas.

Simulacra fait donc le pari d’être provocateur non pas avec son sujet, mais avec son utilisateur et sa mentalité, son éthique, questionnant par là même notre rapport aux autres sur les réseaux sociaux et les chemins qui peuvent nous mener à l’incompréhension, la surinterprétation ou encore l’irrespect. En cela, Simulacra est une oeuvre courte mais intense, terriblement actuelle et même si l’on aurait peut-être aimé un peu plus d’interactions possibles qu’un jeu de cette envergure ne permet malheureusement pas (le répertoire téléphonique d’Anna ne nous permet pas d’appeler tous ses contacts par exemple), on ne peut que saluer l’effort de Kaigan Games qui livre ici une aventure textuelle fascinante, donnant envie de voir plus de jeux de ce développeur.

Simulacra a été testé sur Nintendo Switch et est disponible sur Steam, Google play, Apple app store, PS4 and GoG.
Dans le même genre et par le même studio, vous pouvez aussi trouver Sara is Missing, leur premier jeu, ainsi que Simulacra Pipe Dreams et Simulacra 2.

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