Voyez-vous ces êtres vivants ?

Passer la porte d’une salle d’un concert, c’est ouvrir le champ des possibles. Peu importe que l’existence soit morose ou palpitante au-dehors, on entre dans une dimension hermétique où le temps suit une progression différente. Nous sommes désormais seuls tous ensemble, confrontés au rock, celui qui nous met face à nos émotions.

Les toilettes se trouvent juste à l’entrée. Les bières sifflées depuis quelques heures ont grand besoin d’être évacuées. Pas possible. On me fait comprendre que Lou Reed et Jimi Hendrix ont réquisitionné l’endroit. Une affaire où le fils de Jésus procéderait à l’immolation d’une guitare et autres joyeusetés.

Au bar, Dylan et Bukowski se disputent. Hank va rapidement perdre patience devant le sourire narquois de Robert. Derrière le comptoir, le Christ fait le service. Enfin, il devrait, c’est son job, mais Nick Cave ne lui lâche pas la grappe. À côté, Alain Bashung et Serge Gainsbourg enchaînent les tequilas rapidos comme quand ils bossaient sur Play blessures. Johnny Cash est plus en retrait, ça fait un moment qu’il se dit que ça lui manque les amphets, mais une vision du visage de June l’apaise. David Byrne fait équipe avec Joan Baez pour une partie de baby-foot contre Nancy Sinatra et Joe Strummer. Dominique Laboubée est dans un coin, observateur, il aime bien ces ambiances.

Le moment du concert approche. Tout le monde se retrouve devant la scène. Paul Weller a gardé sa parka et Ian Curtis son blouson avec écrit « hate » dans le dos. Jack Kerouac et Arno parlent des yeux de leur mère. Leonard Cohen pense à Suzanne. Lionel et Marie Limiñana sont en pleine conversation avec Dee Dee Ramone, Debbie Harry et Johnny Thunders, ça leur aurait plu le CBGB. David Bowie et Marianne Faithull trouvent qu’ils étaient sacrément classe en chantant « I got you babe ». Patti Smith est au premier rang.

Pêle-mêle, Courtney Barnett et Kurt Vile ont l’air plus complice que jamais, Jake Bugg et John Lennon ont la même coupe de cheveux, Georges Brassens hypnotise Brian Jones et Neil Young dans un anglais à l’accent sétois. Enfin, Jim Morrison fait preuve de beaucoup d’ingéniosité pour se faire rembarrer par Françoise Hardy.

La musique d’ambiance s’arrête au moment où les lumières s’éteignent. Il s’avance au centre de la scène et s’arme de sa guitare sèche. Sourire goguenard, yeux moqueurs, Arthur Rimbaud entame sa première chanson.

C’est parti.

concert

1 Comment

  • DandyWarhols
    DandyWarhols

    Merci pour ce souvenir !!!
    J’étais présent ce jour là au Max’s Kansas city .Mes amis Lux intérior, Courtney Taylor et Kim Deal m’avaient accompagné.Nous étions au fond de la salle près du bar à incluser moult « Blue moon » et nous débâtions sur ce qu’allait devenir le rock.L’ivresse commençait à entamer sérieusement Lux qui hurlait  » non! le rock n’est pas mort! F…k le rap. »
    Le concert a démarré par une cover des Fleshtones et je me suis précipité près de la scène. Le mec d’à coté avait un tee-shirt où était écrit « kill auto-tune ».
    Les années ont passé depuis ce jour là.J’ai revu par hasard lors d’un séjour à Berlin, le gars au tee-shirt.Il s’appelle Anton… « Long live rock’n roll » n’est ce pas Arthur ?

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