[The Whisky Chronicles] 3 whiskys

 

C’est grâce à toi cette histoire-là. « On prend une bière ? » Savoir quoi faire, mais ignorer tout du désir fou qui monte en nous. Où y’a d’la gêne, y’a pas d’plaisir ! Qui tient les rênes de nos désirs ?

« Bon, en fait, on prend un whisky ? » Elle me sourit : « Oh, juste un doigt. » J’enchaîne : « Tu veux pas un whisky d’abord ? » Nous éclatons de rire, si fort que des clients se retournent malgré le brouhaha. À côté de moi, lui sourit, mais comme gêné d’avoir loupé cette réplique de mon film culte préféré. Je l’attrape par le col et le serre contre moi. Embarrassé par l’embrassade, il se recule. Elle remarque son geste du coin de l’œil. Elle voit tout, ressent tout. Lui, si détendu d’habitude, semble ailleurs ce soir, comme s’il n’avait pas quitté son appartement. Mais je sais, je sens, que le code n’a pas changé.

Six mois plus tôt, au fond de ce même bar, je repérais son allure. Son accent espagnol, sa peau mate. Les poils qui s’échappent de sa chemise entrouverte. Nous évoquons nos relations : les garçons, les filles, ma fiancée, son ex-femme, sa petite fille. Le courant passe et nous emmène chez lui, à deux pas. Tromperie en plein jour. L’air électrique, le ciel qui gronde, comme un châtiment divin qui sourde. Mais quelle idée j’ai eue.

Deux ans plus tôt encore, frissons d’été, clarté limpide des étoiles. Un pique-nique improvisé, alcoolisé. Une bande d’amis et elle au centre, inconnue mais déjà familière. Si proche de ce gars, sûrement son copain, mais non me dit-on, tu ne savais pas ? c’est son ex ! La chance me sourit, et elle aussi. Sa chevelure enrobe son rond visage, son regard perçant encadré par ses lunettes, ses cheveux toujours qui courent vers sa poitrine. Son tatouage de rose qui transparaît sur son épaule. Je ne me souviens plus du premier baiser. Je me souviens des soirées passées à baiser. Sur mon canapé, les fantasmes échangés, les rires partagés. La voir avec une fille, pourquoi pas ! Elle a déjà essayé. Et moi avec un gars ? Pareil, déjà fait, un jour pour tenter. Peut-être un jour recommencer. Coquine connivence. Elle est ma gamme, ma drôle de dame, la main gauche de ma partition, celle qui ancre et tient le son. Les mois passent en fusion, joie de l’abandon. On sèche des cours, on passe le temps, toujours nouveaux les deux amants. Puis elle part une semaine à l’étranger. Pour elle, comment imaginer que cette absence de 7 jours puisse questionner notre amour.

Seul dans la grande ville, comme au début mais plus habile. Et s’il me manquait quelque chose ? Traîner du côté gay et voir leurs corps se serrer. Mais celui que je veux n’est pas ici, c’est triste. Allez, je me casse, je me désiste. Que les regrets jamais n’existent ! Quand soudain l’accent, la peau mate. Ce corps, je le reconnais. C’est un peu le mien, je le sais. Il est la main droite, celle des arpèges, la mélodie que la vie trop souvent abrège. Le soir de son retour, elle sait. Comment fait-elle ? Pour être si forte et si belle. – « Si tu le revois, raconte-le-moi. Je veux savoir. » – « Moi, le revoir ? Mais, ma chérie… » – « Alors tu t’en passerais, c’est promis ? » Les larmes aux yeux. Qui paye ma faute, si ce n’est eux deux ?

Six mois plus tard, elle au hasard : – « Voyons-nous ce soir. » – « Tu veux vraiment ? » – « C’est le moment. Vos rendez-vous hebdomadaires ne sont déjà plus adultères. » – « Et toi elle est pour quand, la femme de ta vie ? » – « Pas pour maintenant, je te l’ai dit. »

En attendant, viens mon amour et love-toi dans mes bras. Les whiskys sont là. Je te vois qui prends sa main. Plus rien ne nous retient. Être, pas être : c’est la question. La réponse est sur ta bouche, ferme-la que je la touche de ma langue. Ton souffle exsangue, tu tiens le mien, le sien qui vient. C’est toi et moi, pourquoi pas trois. Quand il s’ajoute, plus aucun doute : cette histoire-là continue tard, mais pas au bar.

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