« Impeachment : American Crime Story » / Nom d’une pipe !

Plus qu’une histoire de destitution du Président (le « impeachment » du titre), la série de Ryan Murphy est surtout l’occasion de montrer le point de vue des femmes dans cette folle affaire.

C’est toujours étonnant de voir des films ou séries retracer un passé pas si lointain. Nos souvenirs encore frais se mêlent au vernis glacé du temps qui passe. C’était ça, 1998 : ces coiffures, ces musiques … et on se remémore sans peine Monica, Bill, la robe, le cigare. Appelez ça la sagesse, ou la vieillesse.

La première grande qualité d’Impeachment : American Crime Story, et c’est valable pour tous les American Crime Story, c’est donc sa reconstitution impeccable. Le travail de l’équipe des costumes et décors est hallucinant. On doit certainement ce souci du détail au producteur/réalisateur Ryan Murphy qui n’est plus à présenter, mais je vais le faire quand même : on lui doit entre autres Nip/Tuck, Glee, Pose, et dernièrement la comédie musicale The Prom, étape d’un contrat mirobolant signé avec Netflix.

C’est sur la chaîne FX qu’il lança il y a 10 ans la série d’anthologie American Horror Story. Chaque saison se déroule dans un cadre différent en reprenant plus ou moins à chaque fois le même casting. Pour vous donner une idée du succès de la série, cette année on a eu droit à la saison 10 et à un spin-off : American Horror Stories. Battant le fer tant qu’il est chaud bouillant, Murphy proposa en 2016 une version judiciaire nommée American Crime Story. Spoiler : FX a dit oui.

Impeachment : American Crime Story
Sarah Paulson et Beanie Feldstein

Une fois de plus, Murphy offre un terrain de jeu formidable à son actrice fétiche, la géniale Sarah Paulson. La comédienne (également géniale dans les films Carol et Glass) est un vrai caméléon. J’ai bien mis un demi-épisode à me persuader que c’était elle sous les traits de Linda Tripp, l’ancienne amie et confidente de Monica Lewinsky.

Mais Paulson n’est pas la seule à briller, loin de là. Cobie Smulders (Robin de How I Met Your Mother) adopte un accent pas possible dans le rôle de la polémiste Ann Coulter. Edie Falco (Les Soprano, Nurse Jackie) est une Hillary Clinton tout en empathie glaçante. Et se sortant d’un rôle difficile, celui de la stagiaire Lewinsky, on saluera la prestation de Beanie Feldstein : la soeur du comédien Jonah Hill fut découverte dans Booksmart l’an dernier sur Netflix.

Impeachment : American Crime Story
Sarah Paulson, Monica Lewinsky et Beanie Feldstein

Derrière la caméra, c’est Ryan Murphy à la mise en scène pour la majorité des épisodes, accompagné de Rachel Morrison qui est aussi une excellente directrice de la photographie (Black Panther) et accessoirement la première femme nommée aux Oscars dans cette catégorie (c’était il y a 4 ans). La française Laure de Clermont-Tonnerre (Nevada) est également invitée comme réalisatrice pour deux épisodes.

Impeachment : American Crime Story

Si l’on épargne quelques dialogues trop explicatifs, la série parvient à nous tenir en haleine grâce à un scénario maîtrisé de Sarah Burgess, adapté du livre A Vast Conspiracy de Jeffrey Toobin. On sent que l’équipe d’Impeachment a à cœur de montrer ce qui était noyé à l’époque : un regard féminin perdu parmi des institutions média et politiques à très grande majorité masculine et étouffé par une population qui, face à un abus de pouvoir évident, choisira tout de même de soutenir le Président Clinton. Pour se faire entendre, les femmes de la série doivent se brûler sous les feux des projecteurs, qu’elles se nomment Monica, Hillary ou Paula Jones, la première victime de Bill à le poursuivre en justice et qui lancera sans l’imaginer un tourbillon médiatique sans précédent.

Impeachment : American Crime Story
Edie Falco

Engoncé dans un mimétisme impressionnant, obligé de servir tout en jouissant d’une immunité qu’il sait patente, le Président est une nouvelle fois campé par un acteur britannique (Clive Owen) après Brendan Gleeson en Trump l’an dernier dans The Comey Rule. Leurs prestations fantomatiques jettent une lumière sans fard sur cette mascarade du pouvoir, d’autant plus scandaleuse qu’elle s’accompagne de notre regard détaché, comme lavé de la frénésie de l’indignation instantanée et de la tyrannie de la breaking news.

Clive Owen

Les dérives d’Internet, les détails intimes de la relation Bill-Monica accessibles en ligne le jour du procès, la « fille perdue » jetée en pâture aux pseudo-journalistes, les mecs humoristes qui s’en donnent à cœur joie … Tout est déjà là et pas grand chose n’a changé aujourd’hui. Le constat est amer mais l’optimisme est quand même de mise. Quand tous les personnages ont leurs bons et mauvais côtés (voir ainsi l’odieuse agente littéraire de Linda Tripp qui la poussera à trahir son amie), quand tous les éléments sont mis en lumière avec le même souci d’authenticité, alors on arrive peut-être enfin à nommer les choses et définir ce qui s’est réellement passé ces années-là à la Maison-Blanche.

Après une première saison plutôt didactique sur le procès d’O.J. Simpson et une deuxième moins emballante consacrée à Gianni Versace, Impeachment : American Crime Story consacre le style Ryan Murphy tout en laissant la parole à Monica Lewinsky, également productrice du show.

Impeachment : American Crime Story, 10 épisodes d’une heure disponibles sur myCanal.

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