Pourquoi « The Lost Daughter » est un film d’horreur

Comme Shining de Stanley Kubrick, The Lost Daughter fait surgir l’angoisse en plein jour à coup de fillettes maléfiques.

En vacances sur une île grecque, Leda se souvient. Ses débuts de traductrice, sa jeunesse avec ses deux petites filles. Mais c’est quand on croit être au repos que l’esprit, lui, ne s’arrête jamais. Leda rencontre la jeune maman Nina et tout s’emballe : où sont les filles de Leda ? Sont-elles fantasmées ? Décédées ?

Je me souviens de la première fois où j’ai pris mon fils dans les bras : un sentiment de sérénité m’envahit, aussitôt suivi d’une vague de responsabilité. Me voilà devenu le garant de cette vie, ce petit corps qui gigote et qui semble si fragile. C’est ce poids immense que retranscrit l’auteure Elena Ferrante dans son roman Poupée Volée, écrit avant son best-seller L’Amie Prodigieuse et adapté ici pour le grand écran.

The Lost Daughter
Olivia Colman

Je me rappelle un après-midi au parc où, des années plus tard, mon bambin gambade entre les arbres. Une seconde d’inattention et le voilà évaporé : introuvable alors qu’il était là, présent, évidemment, juste avant. Le temps se dilate et plus rien n’existe que ce gouffre insondable qui obscurcit ma vision et éclate mon cœur. Quand l’enfant réapparaît, quelques secondes (minutes ?) plus tard, la Terre peut tourner de nouveau. Mais rien ne sera oublié de cette angoisse indicible que parvient à recréer, par la grâce du montage et de cadres au plus près, la comédienne et nouvelle réalisatrice Maggie Gyllenhaal (vue dans Secretary, The Dark Knight ou encore la série The Deuce).

The Lost Daughter
Dakota Johnson

Je connais bien, enfin, ces instants arrachés au quotidien. Ces moments où l’on quitte l’ultra-fatigue (« I’m scary tired » dira Nina, jouée par la sublime et intense Dakota Johnson). Ces heures, si tout va bien, où l’on s’appartient de nouveau. Seul·e, totalement, complaisamment, sans les enfants. C’est le sens de la performance digne et tragique de Leda (magistrale Olivia Colman), incarnée dans de (parfois trop) nombreux flashbacks par Jessie Buckley (I’m Thinking of Ending Things).

L’attention est la forme la plus rare et la plus pure de la générosité.

Simone Weill
Jessie Buckley

Cette histoire est celle d’une quête, celle de notre existence finalement : notre capacité à être au monde avec, ou malgré, tous ceux qui nous entourent et que nous ne choisissons pas toujours. Toutes ces filles, fils, parents, amantes, amants (chaleureux Peter Sarsgaard, déjà mis en scène par sa femme Maggie dans un curieux court-métrage de l’anthologie Homemade). Et il faudra bien des épreuves avant de vaincre nos monstres pour enfin atteindre un nouveau rivage.

Tout ça pour dire que The Lost Daughter est plutôt un bon film. Disponible sur Netflix.

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