The card counter de Paul SCHRADER

Paul Schrader est un héros de l’ombre du cinéma américain. Il a réellement débuté sa carrière en écrivant les scénarios de Taxi Driver et Raging Bull pour Scorcese qu’on retrouve ici en tant que producteur. « Your’e talking to me ? » et « You fuck my wife? » c’est lui.

Dans la foulée il a réalisé un peu plus d’une vingtaine de longs-métrages finalement assez confidentiels. Son plus grand  « succès » public doit être American Gigolo avec Richard Gere en tête d’affiche (1980).

Pas de grands effets, pas la maestria de son ami Scorcese ni l’ extravagance baroque d’un De Palma dans son cinéma. Il faut dire que Paulo a eu une éducation calviniste et cela se ressent dans toute son œuvre. Pour situer le bonhomme et ses influences, il a écrit au début de sa carrière un bouquin nommé Transcendental Style autour de ses figures tutélaires que sont Ozu, Bresson, Dreyer, pas les plus bambochards du septième art.

The Card Counter est raccord, aussi fun qu’un Poutine constipé ou qu’une battle de vannes entre Bjorn Borg et Ivan Lendl. L’ambiance glaciale et désespérée n’est pas sans rappeler les films de Michael Mann ou le Little Odessa de James Gray. Les thèmes chers à Schrader sont présents ; l’affliction (qui est aussi le titre d’un autre de ses films), la vengeance, la rédemption, le sacrifice… Ils ont servi dans ce bel écrin de beauté crépusculaire et portés par la prestation intense et habitée d’Oscar Isaac (excellent). Amateurs de gaudriole, passez votre chemin.

THE CARD COUNTER

William Tell ou Bill Tell ou Will Tellich, selon les situations, est un ancien militaire qui est hanté par les tortures les plus extrêmes qu’il a lui-même infligées en tant que soldat. Il sort de prison où il a purgé une peine de dix ans, précisément pour ces exactions, payant au passage, avec quelques autres malheureux, pour leurs « supérieurs et les supérieurs de leurs supérieurs » qui eux, ont su échapper à toute poursuite. On retrouve beaucoup de Travis Bickle (Taxi Driver) chez William.

Will, vidé, ayant perdu toute humanité et raison de vivre s’est accommodé plutôt bien à son séjour en zonzon. Un cadre, une routine, la découverte de la lecture et surtout l’apprentissage des cartes (il apprend notamment à les compter), vont le reconstruire autant que faire se peut. Il va se révéler même assez doué et ainsi nouvellement « armé » il va commencer sa nouvelle « vie » ou quelque chose qui s’en approche du moins.

Errant de motel en motel sur la route des casinos pour jouer. Il est vraiment fortiche et gagne à tous les coups. Cependant la gloire et l’argent ne l’intéressent pas plus que ça et il s’arrête toujours avant de trop attirer l’attention. Tell n’aspire qu’à une chose, se fondre tranquillement dans les décors des salles de jeux, disparaître dans sa machinale routine. Paul Schrader nous livre là peut-être son oeuvre la plus proche de l’autoportrait intime.

Ca déroule pépère. Pépère mais réglé comme une horloge suisse jusqu’au moment où sa route croise celle de Circ (avec un « C »), la vingtaine, un peu paumé.

William trouve en Circ une possibilité de se racheter et par là-même redonner un sens à sa vie, de s’autoriser à éprouver à nouveau des sentiments.

Pour se faire il va le prendre sous son aile et il va jusqu’à accepter de se retrouver dans la lumière, participant à des tournois de Poker de niveau mondial.

Bon je ne vous spoilerai pas beaucoup en vous disant que cela ne va pas se terminer avec tout le monde en joie et des tonnes de confettis se déversant sur des visages hilares

Je ne vous spoile pas puisqu’on en a intimement la conviction dès les premières secondes du film, avec cette voix-off d’outre-tombe qui raconte sa vie avec autant d’entrain qu’un condamné montant sur l’échafaud, cette musique lancinante qui a tout d’une oraison funèbre (on pense à Carpenter, à Michael Mann encore ou même les derniers opus minimalistes de Nick Cave).

Néanmoins amateurs de beauté sombre vous allez adorer cette œuvre magistrale, ce beau diamant noir qu’est The card counter.

Sorti en catimini à la toute fin de l’année, il vient de sortir en DVD, VOD

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