Calligram : Musique pour coins sombres

Il existe une musique qui prolifère dans les coins sombres. Comme la mousse, les toiles d’araignées, les champignons, les moisissures et les blattes, elle se repaît d’obscurité.

Elle n’est pas destinée à être exposée. On la découvre avec une moue de dégoût, comme quand on croque dans une pomme pourrie. On veut s’en éloigner, appuyer sur la touche forward, revenir à des sonorités plus clémentes, sortir du cauchemar. Cette musique est une purge. Elle nous oppresse, elle nous agresse. Pourtant on la sait aussi essentielle que les jours radieux, le soleil, la chaleur et la lumière. Car cette sombre litanie des tréfonds nous rappelle d’où nous venons et où nous finirons tous par retourner. C’est la sinistre expression artistique poussée à l’extrême de la morosité, de l’angoisse et du déclin de notre monde.

Voici le marigot dans lequel clabote CALLIGRAM, digne représentant de cette armée des ombres. CALLIGRAM est un groupe récent réunissant des musiciens d’origine française, britannique, italienne et brésilienne. Ce combo a passé les trois dernières années à élaborer sa musique, gommant les influences trop voyantes, cherchant une alchimie parfaite entre l’urgence agressive du Crust Punk, la nausée huileuse du Black Metal, le riffing et la rythmique du Thrash. On retrouve tout cela dans leur debut EP, Demimonde.

Ouvrant les hostilités, “Red Rope” donne tout de suite le ton avec une rythmique lourde entrecoupée de blast beat élevant un mur de bruit que le chant hurlé et douloureux vient balafrer

Quand il arrive à communiquer des sensations par l’ambiance, le Black Metal peut se passer de paroles compréhensibles. Elles peuvent être eructées, crachées, vomies, ajoutant une traînée de sanie à une construction musicale oppressante. La chanson suivante “Bed Of Nails” est dans la même veine Black offrant assez peu de répit à l’auditeur. Violence, urgence, oppression en sont les maîtres mots. Il faut attendre “Black Velvet” pour que l’ambiance se pose un petit peu. Le pénultième morceau s’ouvre avec une intro mid tempo ultra lourde qui se développe ensuite en ambiances plus oppressantes et étouffantes que les premières pistes. Enfin, “Bataclan”, piste finale qu’il m’est difficile de dissocier du drame qui a endeuillé la salle parisienne il y a un an, démarre aussi sur un mid tempo instrumental et posé avant de laisser exploser la rage et la violence. En cinq petites pistes et 22 minutes, les anglais livrent un disque mature aux ambiances variées, comme différentes nuances de violence et de douleur. Cette musique n’est pas agréable, mais elle est ultra maîtrisée et servie par une production oldschool qui respecte le produit. Wayne Adams a parfaitement cerné le groupe. Il n’y a pas d’ajouts hors sujets, de reverb inutilement étirés. Pas non plus de gros son ni de batterie triggée. C’est une sonorité qui colle au propos et en fait ressortir l’aspect barbare, brut de décoffrage.

CALLIGRAM a réussi à créer quelque chose de spécial avec Demimonde. Un son à la fois classique et actuel, du oldschool qui ne sent pas la naphtaline. Si le gang est capable de soutenir ce rythme d’agression sur tout un album, il y a des oreilles qui vont saigner.

calligram

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