Au printemps des monstres de Philippe Jaenada

Au Printemps des monstres, enquête méticuleuse de Philippe Jaenada pleine de surprises et de monstres, et au milieu : un peu d’humanité.

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Bonjour et bienvenue dans « un dernier livre avant l’apocalypse nucléaire »

Blablabla comme d’habitude etc. etc.

Pas de panique, nous sommes là pour ça. Cette semaine : Au Printemps des Monstres de Philippe Jaenada

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Avec Au printemps des monstres, Philippe Jaenada revient dans le détail sur un fait divers qui a fait énormément de bruit dans la France de 1965 : l’Affaire Lucien Léger.

(Qui ça ? Visiblement, l’affaire fait beaucoup moins de bruit en 2023)

Et justement, c’est peu dire que l’auteur ne prend pas cette affaire … à la légère. (Le juge-arbitre de la Fédération Française de jeu de mot se lève de sa chaise… il va parler à l’arbitre de touche … il demande à consulter la VAR … Attendez… Il me semble que … OUI : C’EST VALIDÉ !)

Car Jaenada produit un travail de documentaire et d’enquête MO-NU-MEN-TAL. Dans un accès de folie quasi obsessionnelle auquel seul un écrivain peut se laisser aller, il épluche chaque document du (volumineux) dossier, retrace la généalogie des (nombreux) protagonistes, visite (tous) les lieux de l’affaire, doute de chaque témoignage, et remet en question les propos tels qu’ils ont été rapportés à l’époque.

Le mot « méticuleux » serait encore trop faible pour décrire la qualité de son boulot.

Méticuleux, certes, mais jamais ennuyeux.

Car l’auteur excelle dans la construction de ses enquêtes.

Si le cinéma, c’est l’art du montage, le Jaenada c’est l’art de la construction-du-récit-mais-malheureusement-malgré-toutes-mes-tentatives-désolé-ça-ne-rime-pas-en-age.

L’écrivain parvient à donner l’illusion de découvrir l’affaire en même temps que nous, de nous la présenter telle qu’elle a pu apparaître dans la presse de l’époque, de créer le sentiment que nous enquêtons avec lui, puis il te retourne le cerveau avec des twists à la Shyamalan parce qu’il avait des cartes dans sa manche. Et ça marche !

Mais quand Philippe Jaenada nous ment, c’est seulement par omission(s), histoire de tromper ou du moins d’orienter gentiment le lecteur vers une fausse piste pour le bien de son intrigue.

Couverture du Livre en Noir et Blanc. Photo d'une femme pensive, un stylo à la main, avec un chat noir sur son bureau.

Philippe Jaenada, qui m’avait déjà cueilli avec la Serpe (alors que je ne suis même pas du gui et qu’il n’est probablement pas druide (d’ailleurs il semblerait que cette pratique n’ait aucune véracité historique), mais c’est une façon de parler d’un de ses précédents livres), met beaucoup de lui dans ses livres. Celui-ci encore plus, puisque les dates des évènements coïncident avec sa propre naissance.

(Contrairement à Florence Aubenas qui s’efface totalement de son enquête sur l’Inconnu de la Poste. J’ai juste ajouté ce détail pour que vous alliez lire la chronique que je lui ai consacré sur le blog. Allez-y, prenez le temps, je ne bouge pas.)

Car Au printemps des monstres raconte aussi cette France d’après la seconde guerre mondiale dans laquelle notre monde d’aujourd’hui prend ses racines.

« Je suis de la graine qui pousse au printemps des monstres »

 

Avec un titre pareil, je ne vous spoile rien si je vous dis que la vraie question sera de savoir qui sont les vrais streums au final. D’ailleurs vous l’avez sûrement déjà lu dans n’importe quelle autre chronique sur ce bouquin.

Mais Philippe Jaenada, c’est aussi ce goût prononcé pour la digression, l’incise, le commentaire ironique et la pensée qui fait irruption entre deux faits et qui créé une proximité forte avec le lecteur.

Il y aura beaucoup de parenthèses.

Parfois : des parenthèses dans les parenthèses.

Ou même : des parenthèses dans les parenthèses dans les parenthèses.

Voire : des parenthèses dans BON TA GUEULE ON A PIGÉ.

(Le saviez-vous ? La parenthèse, c’est comme la porte de derrière, il ne faut JAMAIS oublier de la refermer, sinon ça fait des courants d’airs dans la phrase).

Après avoir terminé le livre, il me reste beaucoup de question en suspens. Par exemple : Comment on en vient à s’intéresser à un tel sujet ? à quel moment on sent que ça va faire un bon livre ? Comment son regard sur l’affaire a-t-il évolué au cours de l’enquête ? Quel impact sur sa vie privée ? Quand-est-ce qu’on décide que le bouquin est terminé ? Est-ce qu’il n’y aurait pas lieu d’écrire un deuxième livre ? qu’est-ce qu’on mange ce soir ?

Bon écoute, Philippe, tu sais ce qu’on va faire, je t’invite officiellement au restaurant un de ces jours (Je me permets de te tutoyer, hein, depuis qu’on va se voir en tête à tête au resto), on discute de ton livre, de l’écriture, de ta santé, de la vie en général, et puis on appelle ça interview pour que l’addition passe dans mes notes de frais, et on le publie sur AOW ?

Deal ?

Un livre à lire avant l’Apocalypse nucléaire ; mais tardez pas trop à le commencer quand même…

PS : par prudence, au cas où j’en aurais oublié une, je glisse ici une parenthèse fermée à utiliser à votre guise, c’est plus sûr : )

 

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Au printemps des Monstres, Philippe Jaenada, Éditions Mialet-Barrault, 2021

Allez l’acheter chez votre libraire du village. Et s’il n’y a plus de librairie, c’est simple : ouvrez-en une.

L'auteur Philippe Jaenada en costume noir à un salon du livre

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