Allume une cigarette, prends un café crème à une terrasse, en face de bâtiments des années 1910/1920, puis regarde les gens passer.

Il faudrait que la chaise soit un osier, pas trop vieillotte mais assez pour craquer un peu quand tu gesticules.

Voilà, que vois-tu devant toi ? Des « hipsters » peut-être, Rayban sur le nez et pantalon trop court qui dévoile des chaussettes rayées. Peut-être même que tu en es un. Ou tu voudrais en être un. Ces gens qui savent tout avant tout le monde, et qui sont satisfaits de leur vie car ils sont persuadés d’avoir une longueur d’avance, un style, une élégance, une classe. Tu ricanes un peu si tu n’en es pas un.

Tu vois des collégiennes, des lycéennes, qui ont un avenir incertain mais qui vivent un peu trop comme si demain n’existait pas. Tu aimerais un peu être comme ça. Tu te dis qu’elles ont dû connaître récemment leur première cigarette, premier joint, première relation sexuelle, première trace, première soirée, première cuite. Voire tout en même temps. Tu souris.

Tu vois des gens pressés, ces gens qui courent après le temps, tout le temps, incessamment. Tu te dis que finalement, c’est peut-être le temps qui leur court après, et qu’ils ne font que fuir. Inconsciemment, tu croises les doigts pour ne pas devenir comme cela.

Tu vois des gens âgés, qui ont vécu une vie, belle ou non, qui dans leurs vieilles années, voûtent leur dos comme s’ils portaient la charge du monde sur leurs frêles épaules. Tu penses à ta grand-mère qui vient de mourir. Peut-être qu’après tout, ces gens méritent le respect par-dessus tout, qu’importe les choix qu’ils ont fait hier. Ils ont vécu.

Tu vois des enfants, la prochaine génération et même celle d’après, tu te demandes ce qu’ils vont connaître et ce dont ils se souviendront de leur enfance. Tu te demandes s’ils vont être aussi pourris que toi, qu’eux, que chacun de ces gens qui passent. Ou s’ils seront mieux.

Tu vois des gens comme toi, tête enfoncée dans le col de leur manteau, écharpe, gants, passer inconnu est le maître mot de la maison.

Allume une seconde cigarette. Savoure bien la première bouffée, voilà.

Maintenant tu devrais avoir les premières odeurs du printemps dans ton nez. Aromatisées au tabac certes, mais je crois que tu peux sentir les premiers bourgeons.

Tu peux partir sans payer si tu veux. Dis-toi juste qu’au moins tu t’es rendu compte du monde autour de toi aujourd’hui.

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