(Avez-vous vu) Le Loup ?

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LE LOUP DE WALL STREET

J’admets, je n’ai pas eu besoin d’un prétexte pour aller voir le nouveau Scorsese ; c’est plutôt l’univers qui conspira pendant 15 jours pour m’empêcher de consacrer 3 heures de mon temps à découvrir le dernier film de gangsters du réalisateur américain. Enfin, façon de parler. Je m’explique, et vous livre en beaucoup moins de temps quelques unes des raisons qui peuvent encore vous pousser, si vous ne l’avez pas déjà fait, à voir « Le Loup de Wall Street« .

Dans « Le Loup de Wall Street » donc, on croise essentiellement des courtiers en bourse, et peu ou pas d’armes à feu. En revanche, coulent à flot les drogues, les billets verts et les femmes, tous aspects de la vie susceptibles de provoquer une forme d’addiction chez les protagonistes de cette histoire de fous…euh, pardon, de loup(s). Le centre de gravité, le principal mécanisme du film même, c’est l’avidité. Celle du fauve qui ne peut se défaire du goût du sang, celle aussi du gamin qui parti de rien se retrouve à chanter la chanson de l’argent (« The Money Chant« ) ; la métaphore est si évidente qu’elle se déroule tout au long du film, en filigrane. La Jaguar, sur le parking. Le lion, mascotte de la société de courtage montée comme une rutilante arnaque par Jordan Belfort/DiCaprio, jeune courtier dressé à l’adrénaline par ses maîtres flambeurs (le génial Matthew McConaughey) puis expulsé par la crise (déjà) hors du monde des valeurs cotées. Enfin le Loup qu’il devient, d’abord solitaire puis bien vite chef de meute qui croque à échelle industrielle les petits chaperons rouges du marché, hypnotisés par l’opportunité d’un gain miraculeux et, fatalement, factice.

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Cependant, on aurait tort de prendre l’image au sérieux ; c’est une étiquette, et Scorsese en joue du début à la fin. Le lion qui trône, placide, sur le globe terrestre virtuel de l’enseigne et parcourt avec plus de lassitude que de bonhommie bureaux et ‘open space’, s’avère bien vite vestige d’un passé glorieux, idéalisé mais décidément bien mort. Les loups qui l’ont dévoré sont le fruit d’une perversion du système, d’un rejet total des anciennes règles dont l’antique et désuète menace s’efface devant la démesure des possibilités de profit ; c’est mal ? Qu’importe, tant que l’argent coule. Rapidement la frénésie tourne au grand spectacle ; Belfort/DiCaprio, génial chef d’orchestre, décline sous toutes ses formes l’orgie parée des plumes du rêve américain, pour en faire à la fois le moteur et la récompense d’un gain sans cesse ascendant, monumentale érection de dollars et gigantesque doigt d’honneur au système. Selon l’idée, fausse bien entendu, que le plaisir sanctionne forcément le mérite, il devient l’officiant d’un culte « obscène » où l’excès devient la norme, l’impunité une preuve et l’inconscience une vertu directrice. Autant de choses qui tracent à l’avance, entre les notes de Blues qui l’accompagnent fidèlement, le destin de ces perpétuels larrons en foire.

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Car on est bien dans un film de Martin Scorsese et, on se doute qu’on assistera, forcément, à la chute après la gloire – on pense à ‘Casino‘, irrésistiblement. Une descente aux Enfers, non comme une punition divine, la statue du Commandeur d’un Don Juan de Wall Street ; mais comme la conséquence logique d’une hybris où le sujet, poussant à l’extrême le délire et son anesthésie, serait devenu son pire ennemi, se dévorant lui-même jusqu’à ce que, finalement, tout soit consommé. Viendra le jour où tout échappe au contrôle, où la toute-puissance se révèle comme une illusion désespérément infantile. Belfort, parvenu aux confins d’un rêve qui semblait ne jamais devoir finir, dérapera, c’est mécaniquement inévitable. Cependant, même là il restera au narrateur, cette voix omnisciente qui raconte, commente et peut-être finalement, manipule depuis le départ ce parcours échevelé, Belfort lui-même, quelque chose à dire, une sorte de dernier mot qui subtilement pousse le manichéisme aux oubliettes. Quelque chose qui, plus qu’une morale, sera finalement le réel propos du film, et nous donne peut-être, pendant le mouvement de caméra quasi-final où l’on quitte le point de vue de Belfort pour devenir enfin spectateur, le plus à réfléchir.

« Le loup de Wall Street » finalement, c’est un peu la fin du monde des gangsters à la sauce 1970, mais c’est aussi la chronique du début d’une autre ère de profit où on te vend, public adoré, des drogues légales quoique, bien sûr, tu puisses tout aussi bien t’y faire croquer par le loup. Avec une prestation sans faute de DiCaprio qui monte, qui monte ; celle, parfaite mais trop courte, de Matthew McConaughey. Jean Dujardin en banquier suisse. Et puis Margot Robbie, Kyle ‘Demain à la une’ Chandler, Jonah Hill

Tu verras.

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La bande-annonce :

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