Dans l’oubli

Tu rêves de toi la nuit, encore et toujours. Dans la nuit, tu entends le crépitement des flashes, les questions qui fusent, toute l’attention sur toi, tes 1m80, ta silhouette de déesse. Combien tu aurais donné pour que le rêve se prolonge un petit peu plus, que les podiums et les robes de créateur soient au programme de la prochaine décennie ?

Acclamations. Tes talons s’alignent l’un devant l’autre dans une démarche parfaite, l’avantage de l’âge est l’expérience. Ton regard droit, ta détermination, tant de choses dans un regard. Tes yeux ne se défilent pas devant la lumière des projecteurs, tu vois toute ta carrière derrière toi, qui flotte comme une traînée d’étincelles derrière ta longue chevelure brune.

Tes trente-cinq ans sont arrivés bien trop vite, tu as su te faire oublier comme un dernier triomphe. Te convertir dans un stylisme hypocrite ou la chanson, très peu pour toi. Ton règne s’est achevé chez Chanel, tu as laissé une dernière fois ta robe de satin effleurer le podium de la Fashion Week.

C’est la fin. Ton rêve a duré plus de dix ans, tu raccroches. Tu seras peut-être à des dîners de gala, des soirées mondaines, pour ne pas froisser les créateurs que tu as marqués. Tu regarderas, avec jalousie et dégoût, celles qui te succéderont. Et tu rentreras en taxi, dans ton appartement du 2e.

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