Donald Glover / De Community à Atlanta, du clown à l’artiste.

Ces cinq dernières années ont vu l’acteur Donald Glover se métamorphoser en un artiste polyvalent. En revenant sur sa carrière, on peut distinguer les causes et effets de ce renversement et l’affirmation d’un talent comique et scénaristique, ou tout simplement se divertir de ce parcours étonnant !

Quand on pense à Donald Glover, on pense d’abord à Troy Barnes de Community. Cette série comique signée Dan Harmon, qui a malheureusement pris fin en 2015, offre ces vrais débuts télévisés à l’acteur. Son personnage de geek sous les apparences du Jock devient très vite irrésistible et une vraie fan base se constitue autour de l’acteur, si bien qu’il devient dans l’imaginaire collectif une simple copie de son personnage que tout le monde trouve désopilant et adorable.

Avant de rejoindre l’équipe de Community, Donald Glover avait déjà travaillé avec une grande figure de la comédie : Tina Fey (issue de Saturday Night Live). Scénariste occasionnel pour la série culte 30 Rock (avec Tina Fey, Alec Baldwin, Tracy Morgan…), Donald Glover fait ses premiers pas derrière la caméra. Membre de la troupe d’improvisation Upright Citizens Brigade dont faisait partie Amy Poehler et élève à la New York University’s Tisch School of the Arts, Donald Glover apparait en début de carrière dans une multitude de short films dont « Bro Rape » qui lui vaut une première notoriété sur internet.

L’un des principaux risques auquel s’expose un acteur découvert dans une série populaire, et encore davantage dans le cas d’un sitcom, est le pigeonholing, c’est-à-dire le fait d’être catalogué par le public dans un certain rôle dont il est ensuite difficile de se détacher. Le public est roi et les acteurs se voient souvent proposés des rôles similaires à ceux qui les ont rendus célèbres. Donald Glover ne fait pas partie de la tendance majoritaire. Il a même tout fait pour s’en dégager.

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En 2012, alors qu’il jouait encore dans la série de Dan Harmon, Donald Glover monte un spectacle de stand-up intitulé « Weirdo » dont l’introduction comporte cet avertissement : « How many of you guys know me from my show Community? (Applause) Great, so I’ll let you guys know this is gonna be nothing like that. It’s gonna be a lot grosser! I feel bad for a lot of people who come to this show like, people bring their kids and stuff like that, like “oh he’s gonna do Troy and Abed!” and I’m just like “Dicks, dicks, dicks, dicks, dicks, dicks!” » (« Qui parmi vous me connait de Community ? (Applaudissement) Super, il faut que vous sachiez que ça ne va pas du tout être la même chose. Ça va être beaucoup plus grossier ! J’ai de la peine pour beaucoup de gens qui viennent voir mon spectacle, des gens qui viennent avec leurs enfants par exemple, qui se disent “Oh il va nous faire du Troy and Abed !”, et mon spectacle c’est “Bites, bites, bites, bites, bites, bites !” »)

Son apparition en début de deuxième saison de Girls, la série de Lena Dunham et Judd Apatow, où il joue le petit ami Républicain de Hannah, marque un tournant dans le type de rôle qu’il choisira par la suite.

Il quitte Community avant sa fin pour poursuivre sa carrière de rappeur débutée en 2011 sous le pseudonyme de Childish Gambino, mais aussi, comme il le souligne à plusieurs reprises, d’autres projets plus personnels.

Donald Glover

Ses apparitions sur les plateaux de télé se font de plus en plus rares. La personnalité médiatique de Donald Glover devient mystérieuse car plus économe et davantage intime. En 2013, un incident sur Twitter apeure même ses fans qui le disent instable et déprimé. Depuis son compte Twitter, Donald Glover poste des photos de serviettes d’hôtel sur lesquels il a écrit ces mots :« I’m afraid of the future I’m afraid my parents won’t live long enough to see my kids I’m afraid my show will fail I’m scared my girl will get pregnant I’m scared I’lll never reach my potential I’m afraid she’s still in love with that dude » (« J’ai peur du futur J’ai peur que mes parents meurent avant de rencontrer mes enfants J’ai peur que ma série soit un échec J’ai peur que ma copine tombe enceinte J’ai peur de ne jamais atteindre mon potentiel J’ai peur qu’elle soit toujours amoureuse de ce mec »). Pour lire le reste.

Donald Glover commentera sur ces rumeurs en expliquant qu’il avait simplement eu besoin de s’épancher et que cela n’avait rien à voir avec une crise. Il a choisi de limiter sa personnalité médiatique à ce qu’il voulait vraiment exprimer, notamment ces moments de doute et de vulnérabilité. Ce refus de la surexposition des célébrités lui permet de se replier sur ce qui lui importe vraiment sans avoir à satisfaire un certain fantasme du public qui voudrait encore voir en lui un double de Troy Barnes, ou tout simplement un humoriste sans profondeur. Faire rire se trouve relégué au second plan. Donald Glover montre qui il est, qui il peut être, et ses fans l’encensent pour son honnêteté.

Donald Glover

Son second album, Because the internet, obtient deux nominations aux Grammy Awards en 2015. Sa musique et ses différents projets l’éloignent de cette image « tout public » que son personnage lui attribuait. Mais surtout, sa fan base découvre une voix artistique et personnelle qui mélange les références pop culture à une ambiance singulière, à la frontière de l’ésotérisme. Ses paroles prennent la forme d’une confidence et ses clips font preuve d’une originalité déroutante (avec l’aide de Hiro Murai avec qui il collaborera par la suite lors de la production d’Atlanta).

Bien que Donald Glover soit reconnaissant de la chance qu’il a pu avoir à jouer Troy Barnes, il cherche à prendre une nouvelle direction dans sa carrière. C’est ici que rentre en jeu Atlanta.

ATLANTA -- Pictured: (l-r) Brian Tyree Henry as Alfred Miles, Keith Standfield as Darius, Donald Glover as Earnest Marks. CR: Matthias Clamer/FX

En 2013, la chaîne américaine FX acquiert la série encore en développement de Atlanta, produite, co-écrite et réalisée par Donald Glover. Le pilot n’est acheté qu’en 2014, un an après. Ce projet de longue date prend lentement forme et le premier épisode est diffusé le 6 septembre 2016. Considérée par beaucoup comme l’une des meilleures séries 2016, elle se voit renouvelée pour une deuxième saison dès le 20 septembre après seulement deux semaines de diffusion.

Atlanta, série quasi éponyme, suit Earnest, un trentenaire afro-américain interprété par Donald Glover, qui tente d’aider son cousin, Paper Boi, à percer dans le milieu du rap. La trame de fond n’étant qu’un prétexte pour mettre en scène la condition de la population noire de la ville d’Atlanta, Donald Glover veut montrer très littéralement ce que cela fait d’être afro-américain. Bien qu’immergé dans quelque chose qui nous est complètement étranger, on s’y retrouve, on s’y sent bien. Plutôt que de se conformer aux règles typiques du story-telling à succès, Atlanta, un exemple accompli du genre de la « dramedy », privilégie le réalisme et les ambiances intimes. Le temps s’écoule lentement, les scènes sont abouties, l’humour subtil et le spectateur conquis. L’esthétique de l’image tend à glorifier le quotidien, ces petites choses trop souvent inaperçues mais qui souvent sont sources abondantes de beauté et de rire. Les scénaristes, tous issus de la communauté afro-américaine, débutent dans l’écriture scénaristique, ce qui donne une fraîcheur originale aux dialogues.

D’humoriste, Donald Glover est donc passé du coté des artistes engagés, révélant un talent inné pour l’envers de l’écran. Pour ses fans inconditionnels, Earn ne remplacera jamais Troy, mais il occupe déjà la même place dans leurs cœurs.

PS : Donald Glover jouera dans le prochain Spider-man ainsi que dans le futur spin-off de Star Wars consacré au personnage de Han Solo.

 

 

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