Duel à Manchester : l’ombre et la lumière.

Je ne vais pas évoquer la rivalité footballistique qui anime les deux clubs de Manchester : City et United mais deux monstres sacrés de la musique originaires de cette ville du nord-ouest de l’Angleterre : JOY DIVISION et THE FALL. Manchester et sa banlieue ont été pourvoyeuses de nombreux groupes de renommée internationale aux horizons musicaux différents tels CHEMICAL BROTHERS, THE SMITHS, OASIS, ou encore SIMPLY RED. Excusez du peu …

Alors pourquoi ce choix restreint à JOY DIVISION et à THE FALL ? A mon sens, ils sont à la fois précurseurs, iconiques et ont marqué à jamais de leur empreinte et de leur vision l’univers de la musique, du moins, bien plus que les autres groupes cités plus haut. Alors autant JOY DIVISION a eu une ascension triomphale et une durée de vie très courte, autant THE FALL a eu une ascension beaucoup plus chaotique et s’est inscrit dans la durée. Mais ils ont été, restent et resteront deux groupes résolument cultissimes pour peu que l’on apprécie la musique alternative. La guerre ouverte (comme OASIS et BLUR par exemple) ne fut jamais déclarée entre ces deux formations bien que sorties en même temps de Manchester, la même année et évoluant dans les mêmes salles de concert, dans le même style. Cependant, il y avait une rivalité réelle et polie entre deux personnalités absolument hors normes et charismatiques.

joy division manchester

JOY DIVISION

Formé en 1976, le groupe cessera brutalement son activité en 1980, suite au suicide de son chanteur Ian Curtis. JOY DIVISION aura sorti deux albums : « Unknown Pleasures » et « Closer », deux albums uniquement mais de très grands albums qui ont fait ce que JOY DIVISION est devenu : un étalon, un groupe légendaire. Fer de lance de la vague Post Punk, JOY DIVISION a ouvert la voie au mouvement Cold Wave et marqué les esprits par le romantisme (forcément triste voire dépressif) des textes singulièrement torturés de Ian Curtis et de sa musique, portée par le bassiste Peter Hook (toujours vivant et qui passe régulièrement en concert). Ainsi, 40 ans après, le son unique, le lyrisme et la fulgurance du groupe (qui a contribué à la construction de sa légende) continuent d’influencer de nombreux musiciens : de CURE en passant par SISTERS OF MERCY, KILLING JOKE ou plus récemment INTERPOL, SHE WANTS REVENGE et toutes les formations issues du revival Post Punk comme SOVIET SOVIET ou les (très bons) Parisiens de RENDEZ-VOUS. La marque de Ian Curtis et l’univers de JOY DIVISION, qu’il soit musical ou graphique, restent bien vivants et toujours d’actualité. Bien qu’étoile filante, JOY DIVISION nous laisse un héritage artistique exceptionnel et une trace indélébile dans la mémoire collective.

Pour aller plus loin :

Extrait : « A Mean To An End » (Closer – 1980) :

La chaîne YouTube de Joy Division : https://www.youtube.com/channel/UCMnHk6_QgQT1KQkbUlxhTYw

Un film aussi beau que passionnant : « Control » d’Anton Corbijn (2007) http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=94896.html

the fall manchester

THE FALL

A l’instar de JOY DIVISION, THE FALL a été formé en 1976 avec Mark E. Smith en figure de proue, seul membre du groupe à être resté du début jusqu’à la fin du groupe en 2018 (année de son décès). THE FALL a connu une carrière inverse à celle de JOY DIVISION. Prolifique comme jamais avec près de 30 albums enregistrés en studio et plus d’une centaine de live, THE FALL, animé par les envies constantes d’expérimentation de Mark E. Smith, ne s’est jamais cantonné dans le style Post Punk bien qu’en ayant été l’un des étendards. Issu de la scène Punk anglaise, le groupe a joué dans des styles différents : Post Punk, Expérimental, Noise, Electronique voire (parfois) Pop mais toujours en dégageant ce sentiment de joyeux bordel (organisé), marque de fabrique du groupe. A contrario de JOY DIVISION, les lignes de basse et de guitare sont très répétitives, alambiquées et le chant de Mark E. Smith se veut très nasillard. John Peel, créateur sur BBC 1 des fabuleuses « John Peel Sessions » (en France, nous avions les « Black Sessions » de Bernard Lenoir sur France Inter) apportait un soutien indéfectible à Mark E. Smith et à sa formation (THE FALL est passé 24 fois … Tout de même). Il déclarait à propos de THE FALL cette phrase devenue célèbre : « Ils sont toujours différents, ils sont toujours pareils ». De quoi susciter l’intérêt et doper la notoriété du groupe vu que tout le gotha de la musique indépendante et alternative passait chez John Peel. Bref, THE FALL est l’antithèse de JOY DIVISION mais n’en demeure pas moins tout aussi intéressant, captivant et attachant. La musique est plus foutraque, expérimentale, moins martiale et propre que JOY DIVISION, moins romantique et froide aussi. THE FALL a traversé les époques, les modes, les genres sans disparaître et gagné le respect de la critique et une solide base de fans apportant un soutien infaillible. Malgré cela, THE FALL n’a jamais atteint la popularité de JOY DIVISION et n’a jamais vraiment réussi à percer commercialement malgré quelques magnifiques pépites : c’est LE groupe des gens fans de musique avant tout et c’est ce qui en fait justement un groupe culte. THE FALL est respecté, comme le travailleur de l’ombre essentiel l’est, a influencé les plus grands comme RADIOHEAD, SONIC YOUTH, PAVEMENT, PARQUET COURTS, FONTAINES DC …. On ne compte plus le nombre de reprises des chansons issues du répertoire (sans fin ou presque) de THE FALL jouées par des groupes connus et inconnus, forcément.

Extrait : « Two Librans » (album The Unutterable – 2000) :

Pour aller plus loin :

La chaîne YouTube THE FALL : https://www.youtube.com/channel/UCHSNmcs_mt5htCbduPBrZhw

L’issue du duel.

Alors, qui sort vainqueur de ce duel ? Je laisserais le soin à votre sensibilité et à vos oreilles de les départager. Pour ma part, je les aime tous les deux pour des raisons différentes et ils constituent à eux seuls un équilibre de ce que la musique peut apporter et créer comme émotions : spleen, excitation, engouement. Ces deux groupes sont aussi radicalement opposés que complémentaires. JOY DIVISION : une beauté glaciale, THE FALL : le charme rieur, voire moqueur. L’un ne va pas sans l’autre, comme l’ombre et la lumière.

Match nul donc.

Play It Loud !

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *