Eva Ionesco, enfance érotisée et innocence perdue.

Avec la polémique « Mignonnes » sur Netflix, m’est revenue à l’esprit une lecture que j’avais faite, nonchalamment posé aux abords d’une falaise bretonne. C’était un été heureux, trop peut-être. J’avais besoin d’être secoué et je fus servi.

Une petite fille de 5 ans photographiée par sa maman dans des positions suggestives quand ce n’est pas carrément pornographiques, cela pourrait être le pitch d’un roman glauque à souhait. Mais malheureusement, c’est le vrai début de vie d’une femme, personne et non personnage, modèle érotique pour sa propre mère de 4 à 12 ans. J’avais connu son histoire en 2015 dans le livre de son mari Simon Liberati, sobrement intitulé « Eva », mais aujourd’hui c’est au travers de son autobiographie « Innocence » que je veux vous faire découvrir Eva Ionesco.

Actrice, réalisatrice et donc auteure, Eva naît en 1965 d’une mère roumaine, photographe, et d’un père hongrois, ancien Waffen-SS. Elle n’est donc pas gâtée en termes de généalogie. Constamment dans l’attente du retour de son papa, qui disparaît de longs mois pour fuir son passé, et harcelée par sa maman, toujours en demande de séances de poses pédopornographiques pour compléter son « book artistique », elle n’a d’autre choix que de mûrir très jeune. Dans « Innocence », Eva Ionesco ne nous épargne rien. Avec un style très brut et visuel, elle nous décrit son quotidien, ses voyages, sa vie d’enfant meurtrie, puis de jeune adolescente rebelle.

« L’enfance de Violetta dans My Little Princess est très en dessous de celle que j’ai vécue. »

En 2011, elle avait déjà affronté ses démons dans son film « My little princess », grâce auquel elle dirigea Isabelle Huppert. Mais tourné comme une fiction, il n’a pas la force de cette autobiographie où l’on  découvre un monde de fêtes dans lequel une enfant n’a pas sa place, l’abandon et le manque d’amour succèdent aux strass et aux paillettes. Entre la peur du vide, causée par la maltraitance psychologique, l’envie de sauter pour faire taire la souffrance, le désir de s’en sortir pour échapper à l’emprise maternelle et enfin commencer à vivre, tout y est. C’est puissant. C’est fort. C’est beau.

« Innocence » est disponible chez Grasset et en livre de poche.

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