Filmer l’humanité : la leçon de cinéma de Lucas Belvaux

La Mécanique Lucas Belvaux décortique l’art du réalisateur belge : c’est un livre-interview qui se lit d’une traite.

Passée l’introduction « Une affaire de morale » par Louis Séguin, le nouvel opus de Playlist Society laisse la part belle au cinéaste dans un entretien fleuve qui retrace toute sa carrière, de ses débuts derrière la caméra en 1992 jusqu’à Des Hommes, sélectionné à Cannes cette année.

Documenté et imparable, le livre agit comme un précis empirique de cet art mystérieux qu’est la mise en scène de cinéma, dans la lignée du Comment faire un film de Claude Chabrol. C’est d’ailleurs Chabrol qui vaudra à Belvaux sa première nomination aux César, en tant que meilleur espoir masculin pour Poulet au vinaigre en 1985.

Belvaux débute effectivement en tant que comédien. Il joue pour Żuławski, Rivette, Assayas … Il est au cœur de la passion des plateaux et apprend sur le tas, sans doute également galvanisé par le succès de son frère Rémy, réalisateur du cultissime C’est arrivé près de chez vous.

Jean Poiret et Lucas Belvaux dans « Poulet au vinaigre » réalisé par Claude Chabrol en octobre 1984.

Son entretien avec Quentin Mével est passionnant et trop court. Je n’étais pas familier de ses films et me voilà happé par sa façon de présenter son oeuvre : politique, engagée, mais sans jamais oublier le spectateur. Chez nous et la montée de l’extrême-droite française, La raison du plus faible et sa prise d’otage inspirée de faits réels, sa trilogie Un couple épatant/Cavale/Après la vie où les mêmes personnages passent du premier au second rôle …

Avec Natacha Régnier pour « La Raison du Plus Faible », en compétition à Cannes en 2006

Je me jette sur 38 témoins, son seul film disponible sur les plateformes. C’est l’histoire des habitants d’un immeuble qui disent ne pas avoir entendu le meurtre sous leur fenêtre. Pas vu, pas pris ? Rongé par la culpabilité, l’un d’entre eux (impeccable Yvan Attal) admet avoir été tétanisé par les cris de la victime et n’avoir rien fait, pas même appelé les secours. Il est la voix qui se lève quitte à tout perdre, contre 37 enfermées dans leur déni. C’est sec et glaçant, d’autant plus quand Belvaux révèle qu’il s’est inspiré d’un fait divers des années 60 qui eut lieu aux États-Unis, où aucune loi n’oblige les citoyens à porter secours à quelqu’un. Un journaliste révèlera l’affaire, qui débouchera sur la création du numéro d’appel d’urgence : le 911.

Combien ça pèse la bienveillance ? Ce livre admirable analyse la logique Belvaux, son infatigable chantier d’artiste et citoyen. C’est du travail, c’est sûr ; c’est de l’humain, c’est certain.

« La Mécanique Lucas Belvaux » est en vente sur le site de Playlist Society.

« 38 témoins » est disponible sur OCS.

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