Happy birthday Bob

Robert Allen Zimmerman, alias Bob Dylan,  fête aujourd’hui ses 80 bougies. Lettre ouverte.

Très cher Bob,

Permets-moi de te souhaiter une belle entrée dans cette nouvelle décennie. Ta huitième. Si j’ose cette familiarité, c’est parce que j’ai l’impression de te connaître. Déjà, faut dire que j’avais la sensation de t’aimer avant même d’écouter longuement ta musique. Mes idoles de jeunesse avaient en commun de parler de toi avec amour. Comme si tu étais pour chacun d’entre eux le meilleur. Le meilleur de mes meilleurs en somme. J’aime bien imaginer la musique comme une toile d’araignée dont tu es le centre. Tarantula. « La toile d’araignée où mon âme est piégée » chante Hubert-Félix Thiéfaine. C’est un de tes alter-ego français, t’en as plein mais c’est l’un des meilleurs. Il a dû beaucoup t’écouter, lui-aussi. En même temps, t’as un paquet de fans.

Huitième décennie donc. Ma préférée reste la seconde, The Freewheelin’, Blonde on Blonde, Highway 61 revisited. Évidemment tu n’as pas fait que ça. Pourtant, ne faire qu’un seul de ces albums c’est réussir sa carrière. J’exagère même pas, je le pense. Pas pour te flatter, non, j’ai dans l’idée que ton ego est suffisamment développé pour que tu ne sois pas effleuré par mes louanges. Je pige d’ailleurs pas trop pour quoi tu donnes l’air de mépriser ton public. Encore l’ego j’imagine. T’as vraiment dit que t’avais plus fait pour Dylan Thomas qu’il n’a fait pour toi ? Bon je charrie, t’as reconnu toi-même que c’était une connerie. À ce propos, ce serait bien que tu sortes le tome 2 de Chroniques, ça fait plus de 15 piges qu’on attend. Tu pourrais te rattraper pour d’autres bêtises sans doute et surtout encore manier la plume. J’aime bien quand tu manies la plume. Et même si t’es un sale con je m’en fous un peu, ça change pas ta musique.

Bon, c’est pas ton procès non plus. C’est ton anniversaire quand même. Tu vas mettre un chapeau pointu et souffler dans une langue de belle-mère ? C’est quelque chose 80 balais. Un peu d’euphorie que diable ! Ça serait cool de te voir avec la banane, que tu fasses un grand sourire. Moi, en tout cas, tu m’en as donnés régulièrement. Je me rends compte à mesure de mon avancement dans l’existence que j’ai une affection profonde pour les acteurs de la vie, ceux qui mettent un bon coup de pompe dans la fourmilière de l’inaction et de la passivité. Je pense qu’il n’y a pas pire que d’être indifférent ou de susciter l’indifférence. Dans Les Démons, Dostoïevski cite un passage de l’Apocalypse : « Je sais que tu n’es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche ». Pas que je sois un fervent lecteur de la Bible, mais ça c’est fort je trouve. Je n’ai pas tout pigé à tes périodes mystiques et religieuses mais j’imagine que c’est pour ce genre de trucs que t’en as eues. Je me demande ce que t’as à dire sur Dostoïevski et sur ces auteurs qui t’ont marqué.

Et la fourmilière, tu l’as sacrément défoncée ! Dès les années 60, t’as changé l’histoire de la musique (et par extension du monde, de facto). T’es devenu un symbole, ce fameux porte-parole d’une génération. Tu sais, ce statut qui ne t’enchante pas des masses. Sur un autre point, je te soupçonne de te tamponner le coquelicot de la plus prestigieuse des récompenses que tu as obtenue. Mais le Nobel, c’est quand même incroyable ! Avoir la même reconnaissance que Beckett ou Camus, c’est juste grandiose ! Petite confidence, si j’avais une machine à voyager dans le temps, je l’utiliserais pour faire un câlin à Albert Camus. Tant qu’à faire, j’aimerais bien vous voir avec Joan Baez, chantant tous les deux « Diamonds and rust ». Je l’ai vue Joan, dans les arènes de Carcassonne il n’y a pas longtemps. Elle avait repris beaucoup de tes morceaux en disant que t’avais écrit les plus belles chansons qui soient. Tu parles d’un compliment !

Alors certes, ça n’aura pas la même valeur pour toi, mais je suis bien d’accord avec Joan. De plus en plus, je me demande si Blood on the tracks n’est pas ton acmé. Mais je serai toujours pantois à l’écoute de « Visions of Johanna » (la version de 66 à Manchester !), le plus grand morceau de l’histoire de la musique, celui qui relègue les Beatles au rang d’amateurs et qui fait de la neuvième de Beethoven quelque chose de tout à fait lambda. T’as vu, comme toi je provoque un peu, t’es inspirant comme gars. Encore joyeux anniversaire Bob.

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