Harcèlement textuel

 

La bataille n’est pas encore commencée, que déjà je dois m’avouer vaincue: vos tenues de combat sont parfaites, étudiées au centimètre ; pas un pli qui ne contribue au succès sans appel d’une stratégie maintes fois éprouvée, et hélas pour moi, toujours victorieuse.

La fausse modestie de votre maquillage est dénoncée avec éclat par la luminosité sophistiquée de votre teint et le parcours codifié de vos boucles enjouées ; le cocktail détonnant produit par votre conversation spirituelle, votre ton fraternel, votre bouche mutine et vos yeux alanguis a achevé d’enivrer le nouveau chef de service, de vous le livrer pieds et poings liés.

Étonné et grisé d’être le cœur et l’enjeu de cette joute oratoire, visuelle et olfactive, il savoure ce vertige . A l’évidence, il ne m’a même pas remarquée .  Reléguée à la périphérie de l’arène, spectatrice éblouie et envieuse, mesurant à quel point m’échappent tous ces codes subtils de la séduction féminine, je me décide enfin à fomenter sérieusement mon plan de bataille, à choisir et fourbir mes propres armes :

Je vais lui écrire et sous peu savourerai ma victoire inéluctable sous une pluie de larmes noircie par votre rimmel , mes rivales malheureuses…

Ensorcelé par ma prose charmeuse , il oubliera votre séduction offensive, vos jupes froufroutantes et vos décolletés prometteurs ; il dédaignera vos sourires entendus, vos nuques savamment ployées et vos basses flatteries : Il suivra le fil de ma plume polissonne qui lui révélera les secrets et les plaisirs (inconnus du vulgaire) d’une épithète adroite et bien placée, d’un adverbe fermement amené, d’un sujet perversement inversé, d’un accord subtil et obsédant.
J’inventerai pour lui des métaphores audacieuses, des paradoxes hardis, je braverai les lois de la syntaxe à l’en faire rougir.

Usant d’alléchantes et haletantes allitérations, je lui suggérerai des gestes censurés.

Je le rassurerai par la douceur d’une phrase lentement, énigmatiquement, élaborée, puis le surprendrai par une chute experte et menée de plume de maître.
Je le lierai à mes mots, en lui dévoilant progressivement l’étendue de mon pouvoir d’évocation ; je le rendrai dépendant des profondes sensations provoquées par les caresses virtuoses de mes idées sur ses neurones troublés.

Bref, je vais coupablement me livrer corps et âme au harcèlement textuel…

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1 Comment

  • @joueurs
    @joueurs

    miaou…

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