Interview de Frédéric Perrot, auteur de « Cette nuit qui m’a donné le jour »

Étienne, la trentaine, vit dans l’ombre du bonheur apparemment sans nuage de ses parents. Un amour secret de son père va lui apprendre à danser sous la pluie. Voici un roman bouleversant, qu’on lit d’une traite et qu’on lâche le cœur gros.

C’est sur les conseils de ma super libraire que je me suis procuré le second ouvrage de Frédéric Perrot. À la faveur d’une matinée de jour férié, les pages ont défilé et j’ai terminé les yeux embués. Ce livre n’est pas qu’un livre, c’est un ami qui vous parle au creux de l’oreille, une amoureuse qui vous retient par la main, un amoureux qui vous souffle dans le cou. C’est un peu Sur la route de Madison avec un humour élégant et omniprésent.

« Étienne a rencontré Christa quelques semaines auparavant […] Cette histoire-là serait sa sixième première histoire d’amour, voilà tout. Tout n’est qu’une question de point de vue. »

Étienne a grandi dans un foyer épanoui et sans heurts, avec comme modèle un père et une mère dévoués et aimants. On suit avec passion son combat pour construire sa vie sentimentale à l’aune de celle exemplaire de ses parents. Mais le passé n’est-il pas qu’une histoire qu’on se raconte à soi-même ? Alors que son père se retrouve muet et alité, une lettre de sa part vient tout bouleverser.

« Combien d’anecdotes, combien de souvenirs, combien d’histoires s’éteignent quand un père disparaît ? »

Ce livre miraculeux met en exergue deux luttes que j’avais rarement vu aussi bien décrites : celle des enfants pour s’épanouir, inconsciemment libérés de l’héritage parental, et celle des parents pour vivre, aimer, jouir tout leur soûl alors que la société attend d’eux d’être casés, posés, rangés.

Faites des pères

Avec l’ombre et la lumière de ce secret révélé, Étienne apprend à dessiner un autre portrait de son père. Que l’autre grand amour de son géniteur soit un homme paraît presque anecdotique tant l’intensité de nos passions humaines dépasse les genres, les âges et, finalement, le temps. Sa mère non plus n’était pas que la femme de son mari et, avec elle, Étienne découvre comment grandir dans le cœur des confidences partagées. Parce qu’il ne peut y avoir de jaillissement sans une faille où vit le courant.

« Cette différence qui aurait pu être un fossé n’a été qu’un pont de plus entre eux. »

J’ai eu la chance de m’entretenir avec l’auteur de Cette nuit qui m’a donné le jour, Frédéric Perrot :

Après Pour une heure oubliée, votre premier roman, comment l’idée de ce nouveau livre s’est-elle imposée dans la continuité de votre travail ?

Frédéric Perrot : Elle s’est imposée comme s’imposent souvent les idées, par nécessité. La nécessité de raconter une histoire en particulier, à un moment précis. Celle de ce fils remettant en question le modèle exemplaire de ses parents m’est apparue comme telle. Et puis j’avais depuis longtemps envie de raconter une histoire d’amour impossible. 

La structure du roman est fascinante : pourquoi était-il important que chacun des protagonistes ait droit à son chapitre ?

Frédéric Perrot : J’aime particulièrement ces narrations morcelées en différents points de vue parce qu’elles permettent de dévoiler certains aspects de l’histoire par étapes, on peut garder quelques mystères. C’est d’ailleurs assez jubilatoire à écrire. Chaque personnage nourrit le récit en y apportant son vécu et ses propre émotions, une nouvelle lecture.

Immobilisé, Henri le père ne peut plus s’exprimer que par écrit. Ce qui nous le rend d’autant plus proche de nous, lecteurs. Selon vous, que peuvent apporter la littérature et l’art à la vie ?

Frédéric Perrot : Je crois que c’est toujours un exutoire, un refuge idéal. Moi c’est vraiment comme ça que je le vis en tout cas. Quand je me plonge dans un roman ou un film, quand je vais au théâtre, j’oublie tout, jusqu’à cette mort qui m’angoisse tant. C’est sans doute pour les mêmes raisons que j’écris d’ailleurs. On devrait prescrire de l’art plutôt que des anxiolytiques !

Pour terminer, vous m’avez dit qu’un de vos buts dans l’écriture est l’écho de vos personnages avec le lecteur. Comme vous avez également une carrière de réalisateur, comment imaginez-vous la réaction de spectateurs devant une éventuelle adaptation à l’écran de Cette nuit qui m’a donné le jour ?

Frédéric Perrot : Les personnages sont le noyau de mon travail d’écriture, je vis avec eux pendant des mois pendant la construction d’un roman, j’essaie donc toujours de faire en sorte de leur donner assez de chair pour qu’ils soient des compagnons de route crédibles et attachants. Pour l’adaptation à l’écran, si elle est un cocktail idéal de rires et de larmes, alors c’est que le pari sera réussi.

Merci Frédéric.

Frédéric Perrot : Merci à vous, et vive AOW.

Toutes les citations sont tirées du livre. Les photos sont d’Amélie Chopinet.

« Cette nuit qui m’a donné le jour » de Frédéric Perrot est disponible aux éditions Miallet-Barrault.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *