[Interview] La folle promo d’ « Années 20 », le film tourné dans Paris en un seul plan

Nous avons rencontré le distributeur de ce film hors normes, qui sort dans nos salles mercredi.

Quelques heures à Paris, un soir d’été en 2020. La caméra suit un passant puis l’autre, voyageant à travers les rues de la ville et multipliant de curieuses rencontres : jeunes excentriques, personnages originaux et anticonformistes. Au cours d’un seul plan ininterrompu, la caméra lie les personnages à travers un même territoire, et une même époque en crise que chacun traverse et questionne à sa manière.

Il faut croire que la sortie du confinement a réveillé une envie de création, une envie de liberté, de vérité (voir aussi Dissolved sur Vimeo). L’art et la vie sont indomptables, comme un poème parfois trop beau pour être vrai. Tout aussi incroyable est le tournage d’Années 20 : 13 séquences filmées à la suite, en un seul plan, sans coupure, sans filet, sur 6 kilomètres au milieu de la foule parisienne.

Il fallait bien un dispositif à la hauteur pour accompagner Années 20 en avant-première d’ici sa sortie mercredi. En l’occurrence une série, dont chaque épisode est tourné le matin dans une ville puis projeté le soir même dans son cinéma. Explications avec Jonathan Musset, le distributeur via sa société Wayna Pitch :

Jonathan Musset : On est convaincus qu’Années 20 est un projet de fou ! Le film a été tourné en autonomie par Élisabeth Vogler qui n’est pas une réalisatrice, mais le nom d’un collectif de plusieurs cinéastes. Ils ne veulent pas qu’une personne soit mise en avant. C’est une façon de protester contre l’image qu’on a en France du réalisateur qui fait tout, tout seul. C’est le travail collectif qui prime et je trouve qu’ils ont tellement raison.

Quand Élisabeth nous a proposé de distribuer le projet, il y avait dès le début cette envie de l’amener au public d’une manière différente. Et ça rejoint l’ADN de notre société Wayna Pitch : il faut réinventer la façon dont on sort les films en salle. On remplace la publicité ciblée par du contenu écrit par les auteurs, qui vient s’additionner au film et donne envie d’être partagé. Cela reste un risque car c’est assez inédit. Environ 75% de notre budget promo pour Années 20 va dans la création de cette série. On croit au bouche-à-oreille et que c’est bien de faire bouger les lignes.

AOW : Chaque épisode de la série est tourné en un seul plan de 10 minutes. Cela montre bien l’esprit du film, son pari « temps réel ».

Jonathan Musset : Carrément. C’est aussi l’occasion de mettre en avant le casting, car ce sont les comédiens du film qui jouent dans cette série. Ils ont tous une vraie expérience : Noémie Schmidt (Versailles, L’Étudiante et Monsieur Henri), Alice de Lencquesaing (L’Événement), François Rollin (Kaamelott), … même Lila Poulet, la plus jeune, qui n’a que 15 ans (Le Petit Spirou, Les Tuche 4). Au lieu de faire une avant-première avec un seul acteur à chaque fois, on a choisi de mettre les moyens et d’inviter toute la troupe à participer à la tournée. Le film Années 20 a été tourné à Paris avec des acteurs parisiens : par cette série, il y avait aussi clairement l’envie d’élargir le projet au niveau national.

AOW : Dans la série, les comédiens jouent les mêmes rôles que dans le film ?

Jonathan Musset : Le parti pris est que, dans chaque épisode, on retrouve un personnage du film interprété par le même comédien. Par contre, les autres personnages que tu vois autour ne sont pas forcément les mêmes. Tu l’identifies assez vite. C’est un vrai choix de leur part, qui est contestable de mon point de vue, mais qui s’éclaircit de façon évidente au fur et à mesure de la série.

Années 20 (le film)

Jonathan Musset : Années 20 est une production indépendante, mais il y a une expérience professionnelle derrière. Ce n’est pas tourné en mode « à l’arrache ». Avec la série, on voit que l’équipe fabrique tous les jours 10 minutes de film en haute qualité. À chaque fois, c’est le même processus : les repérages et répétitions ont lieu à 9h. Le tournage débute à 11h. À partir de 14h, l’équipe se réunit dans le cinéma de la ville pour mettre en ligne les fichiers son et un proxy [version détériorée] de l’image. Le mixage audio et l’étalonnage démarrent alors à Paris. Vers 17h, on récupère les paramétrages du projet et on les applique en local sur l’ordinateur où se trouvent les rushs. Le calcul du fichier final du film est fait : on obtient un DCP [Digital Cinema Package] prêt à être lu dans la cabine de projection pour la séance de 19h.

AOW : Années 20 est le deuxième long-métrage réalisé par Élisabeth Vogler. Son premier film, Paris est à nous, était sorti sur Netflix. Cette fois-ci, la salle de cinéma était le but ?

Jonathan Musset : À l’époque de Paris est à nous (qui s’appelait Paris est une fête avant le rachat des droits par Netflix), Élisabeth a eu des difficultés à avoir des distributeurs cinéma. Elle a accepté la proposition de Netflix en se disant qu’elle utiliserait une partie de cet argent pour être libre sur son prochain film. Le cinéma d’Élisabeth mérite d’avoir sa place, elle défend une nouvelle façon d’écrire les films. C’est hyper important de les soutenir. L’idée de la tournée et de la série, c’est ça aussi, défendre une expérience collective.

Partie de Nantes, la tournée des avant-premières Années 20 vient de passer par Strasbourg, puis s’arrête à Paris mardi 26 avril. Retrouvez la série sur YouTube.

Le film Années 20 sort dans toute la France mercredi 27 avril.

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