J’ai décidé de poser topless.

Je ne suis pas modèle photo amatrice, je ne compte pas le devenir, je trouve que c’est quelque chose de trop difficile, déjà, et puis ce n’est tout simplement pas mon domaine. Ce qui me plaît, c’est d’écrire.
Cependant ça m’est déjà arrivé de « poser », pour l’expo d’un ami, pour le fun avec un pote, pour le blog d’une copine. Toujours habillée, qu’on soit d’accord.
Mais, un jour, j’ai décidé d’enlever le haut.
Révélations façon confessions intimes et enquête exclusive : « J’ai décidé de poser topless parce que je suis une salope exhibitionniste. »
Oh wait … C’est pas du tout ça en fait !

poser topless
Photographie par Alsapix
Il a suffit de diffuser quelques photos de moi sur les réseaux sociaux pour que des photographes me contactent.
Alors « photographes», ça ne s’applique pas à tous, loin de là. Il y en a dont la qualité du travail était tellement ridicule que je pouvais aisément passer pour le Michel-Ange de la photo à côté.
Oui, moi, la nana qui rate toujours les photos, en sorte qu’elles soient trop sombres, trop floues, et mal cadrées … (Nan mais c’est artistique tu comprends. Oui, du coup, on ne voit pas les tronches des mariées, mais c’est normal, tu sais, c’est totalement voulu …)
Evidemment, et ce même si je posais habillée et en adoptant une attitude n’ayant absolument rien d’aguichante, bien au contraire, la plupart de ces « photographes » m’ont immédiatement demandé de poser nue et de venir seule, dans un lieu abandonné.
Bah quoi, c’est la mode des gonzesses à poil en urbex qui veut ça, bébé, ce n’est pas ma faute.
Big up tout de même au gars qui m’a dit avec franchise « Je suis cash moi. Alors voilà, je veux que tu poses pour moi en mode fétichiste, érotique, latex, montre-moi ta chatte chérie ». En plus il n’avait aucune de ses photos à me montrer. Mais oui, mais soyons fous, bien sûr que je vais accepter, j’attendais tellement une proposition de ce genre !
Il y a aussi un ou deux photographe « de renom » (au niveau local, ne nous emballons pas) qui m’ont contacté, genre je suis une jeune modèle qui veut percer, pas de soucis, que j’aille donc boire un verre un soir chez eux, oklm, ils vont m’expliquer comment je peux devenir célèbre (dans le département uniquement, faut pas pousser) … Ouais, ouais. N’empêche je pense aux gamines de 16 ans qui ont vraiment comme ambition de devenir modèle, et là, ça fait peur.
Bref, tu me suis, j’étais bien écœurée par toutes ces réactions de pervers narcissiques, persuadés que je vais dire amen à leurs propositions les plus scabreuses.
Je ne comptais pas poser à nouveau de si tôt de toute façon.
Et puis un photographe que j’adore, qui se trouve être depuis peu mon presque-voisin, Samten Norbù, m’a demandé, alors qu’on buvait un petit verre de vin ensemble, de poser pour lui. Ou plutôt que mes boobs posent pour lui. C’était pour une nouvelle série qu’il voulait lancer : des zooms sur des seins recouverts de perles. Je savais qu’avec lui, ça donnerait de magnifiques photos, classes, mystérieuses.
Après concertation avec mes seins, on a décidé de se lancer.
Pourquoi ? Déjà parce qu’on ne voyait pas ma tronche, impossible qu’on me reconnaisse donc, ça me va très bien.
Et j’avais bien envie de voir ce que ça faisait, d’avoir une partie de soi prise en photo, une partie de soi qu’on a plutôt l’habitude de cacher, comme un truc un peu honteux. Des seins, oui, c’est honteux, vraiment. Facebook le sait bien avec son fameux « cachez ce téton que je ne saurais voir ».
Une expérience assez originale, très peu risquée, que demander de plus.
Me voilà donc chez Samten, dans l’intimité d’une pièce faiblement éclairée, j’enlève langoureusement mon haut révélant ma poitrine généreuse, il enduit mes seins d’huile, avec douceur, puis … Il soupire.
C’était parti pour une heure de boulot, oui, une bonne heure, à poser des petites perles sur mes boobs. Sachant qu’elles ne tenaient pas bien, qu’il fallait faire gaffe à ne pas les mettre à l’envers, que je n’avais pas le droit de trop bouger, que Samten avait mal au dos.
Tellement sexuel, OMG ! Avoue que t’es choqué, grave choqué même.
Mais c’était fun, on s’est quand même bien marré, et le rendu final des photos est, comme tu peux le voir, très joli, énigmatique, dénué de toute vulgarité. Des seins qu’on ne devine presque pas, un aspect étincelant, un côté reptile.
Voilà donc pour ma première expérience « topless ».
Après quoi on s’est foutu dans le canap’ et on a écouté de la chouette musique.
poser opless
Photographie par Samten Norbù
Un autre photographe, que je suivais depuis quelque temps sur Facebook, sans pour autant le connaître, mais dont j’apprécie beaucoup le travail, Alsapix, m’a contacté. Pour le coup, il m’a proposé un projet vraiment intéressant, en urbex, avec un côté un peu étrange, dark, toussa toussa, qui m’a immédiatement séduite. Il a abordé le sujet avec beaucoup de professionnalisme, et m’a proposé de poser habillée, topless, ou nue en fonction des limites que je m’imposais.
J’ai vraiment apprécié cette démarche, et j’ai tout de suite accepté, même si pour des raisons qui sont strictement personnelles cela a mis pas mal de temps à se mettre en place.
Quoi qu’il en soit, ça faisait du bien de sentir qu’on est plus qu’un corps, qu’on a aussi un visage, des sentiments, des idées …
D’autant que je pense assez révéler le côté très marqué de mon univers, assez proche de ce qui va être rock’n’roll ou underground, et qu’un photographe en tienne compte dans ce qu’il me propose comme collaboration, ça m’a vraiment touché (alors qu’au final ça devrait être naturel, non ?)
Il me paraît d’ailleurs important de revenir sur la question des limites qu’on s’impose.
Pourquoi avais-je toujours refusé de poser topless ? Etait-ce réellement à propos de prétendue limites que je me serais imposée ? N’est-ce pas plutôt mon entourage, ou même la société, qui m’ont contrainte dans mes choix, restreignant ma liberté d’agir, à cause de pseudo normes d’un autre âge, de règles émanent de la phallocratie contre laquelle les femmes sont constamment obligées de se battre ?
Dès que je postais la moindre photo où on apercevait un bout de cuisse, dès que j’écrivais un texte où un mot un peu vulgaire apparaissait, ma famille, dangereusement vautrée dans une façon de pensée dictée par la religion catho et le conservatisme, me tombait dessus.

Tu ne devrais pas montrer ça, dire ça, penser ça, être ça.

Et cela allait même plus loin, auprès de mes ex-compagnons, qui m’imposaient également des limites.
Exemple : me sentant très mal dans ma peau, j’avais un temps pensé à me mettre à l’effeuillage burlesque, non seulement parce que c’est cool, mais aussi parce que j’ai entendu bon nombre de femmes vanter les mérites de cette danse comme d’une activité libératoire qui aide à se réconcilier avec son corps, à se sentir à nouveau séduisante.
Après deux enfants, des études de malade qui me prenaient tout mon temps, cela relevait du miracle. J’ai donc un jour osé dire que j’aimerais bien tester un cours.
Réaction d’un de mes anciens amoureux : « Je ne te laisserai jamais faire ça, c’est hors de question ». J’insiste évidemment sur la passivité dans laquelle je me retrouve dans cette phrase.
De quel droit les autres pourraient-ils m’interdire des activités, et contrôler mon image ?
Que je refuse de faire des choses qui ne me plaisent pas, ne m’intéressent pas, ne sont tout simplement pas en accord avec ma façon de penser, soit. Mais pourquoi les autres, question de mœurs, de normes ou encore de jalousies, pourraient me dicter ma conduite ?
C’est aussi pour cela que j’ai décidé de poser topless.
Non seulement parce que je ne me sens pas bien dans ma peau, que j’ai envie de me sentir séduisante à nouveau, ce qui est très difficile au vu de toutes les épreuves que j’ai traversé dernièrement.
Aussi pour exprimer une certaine partie de ma personnalité, un côté un peu sombre, une fascination pour l’étrange.
Mais également pour reconquérir ma liberté d’agir, pour maîtriser à nouveau mon image.
Et puis ça fait partie de toutes ces choses que je fais depuis que j’ai décidé de rester célibataire, que c’est bon de n’avoir aucun compte à rendre à personne !
topless
Photo by Alsapix
Revenons-en au shooting en lui-même. On s’est retrouvé près d’une usine abandonnée depuis 6 ou 7 ans seulement. Pour y accéder on a du attendre qu’il n’y ait personne à proximité, vérifier que le gardien ne traînait pas dans le coin puis ramper sous un grillage.
On est trop des thugs.
On a fait un petit tour, à la recherche de lieux sympas où poser, avec une bonne luminosité, et qui ne soient pas trop difficiles d’accès, ce qu’il faut en fait comprendre par « dangereux » (méfiez-vous des planches en bois, mes amis, méfiez-vous …)
Alsapix a tout de suite su me mettre à l’aise. J’étais détendue, heureuse de participer à ce shooting, satisfaite de cette nouvelle expérience.
De poser presque nue ne m’a en aucun cas gêné. Au contraire, je trouvais cela naturel. C’est juste mon corps, des photos ayant une fin artistique, non, désolée, mais à aucun moment je n’ai eu l’impression de faire quoi que ce soit de mal.
Je me suis éclatée, vraiment.
Et l’urbex, c’est top ! D’errer dans une usine totalement vide, avec des étagères encore remplies de clous et de vis, des bureaux recouverts de papiers, des calendriers datant de 2009 accrochés aux murs, … Je me sentais comme dans Walking Dead, m’attendant à entendre des grognements de zombies derrière les portes qui ne voulaient pas s’ouvrir.
En plus, le courant est très bien passé avec le photographe, très drôle et sympathique.
Un chouette moment donc.
Topless
Photo : Alsapix
Qui a résulté sur de très belles photos, je trouve.
Je dois dire que je ne me reconnais pas du tout sur les images en fait, j’ai vraiment l’impression que ce n’est pas moi dessus, c’est assez étrange comme sensation.
Assez fière du résultat, dont tout le mérite revient d’ailleurs à Alsapix qui m’a beaucoup guidé, face à mon manque total d’expérience, j’ai décidé de publier quelques photos sur les réseaux sociaux.
La plupart des réactions ont vraiment été très positives. Les personnes de mon entourage ont su apprécier la qualité des images sans s’arrêter au fait que, bah oui, on voit des seins.
Bien entendu, ça n’a pas été le cas pour tous. Déjà, cela a entraîné une réelle rupture avec ma famille qui a décidé de me virer de leurs amis facebook, il faut dire que je m’y attendais.
Et puis bien sûr j’ai eu le droit à des commentaires, ou des messages privés du genre :
« mmmm graou graou » et autres bruits d’animaux. Euh … C’est quoi l’intérêt de faire ça ? Qu’une personne que je connaisse me dise ça, généralement sur le ton de la rigolade, soit, mais un parfait inconnu ?
Et n’oublions pas les fameuses invitations de pervers, assorties à des messages du genre « salut, qu’est-ce que t’es belle toi, vraiment bandante ». Evidemment, j’ai tout de suite accepté l’invitation. Si j’ai souhaité poser presque nue, c’est parce que je désirais ardemment que des mecs dégueulasses bavent sur moi, oh oui, qu’est-ce que j’adore ça, qu’est-ce que c’est excitant.
Bon, là aussi, je m’y attendais, je ne vais pas jouer les naïves.
Cependant, j’ai tout de même le droit de me questionner : qu’est-ce qui peut bien se passer dans la tête de ces adultes, ayant souvent passé la quarantaine, pour leur donner envie de se comporter ainsi ? Quelles réactions attendent-ils ? Est-ce que nous, les femmes, nous devrions être heureuses de « plaire », nous en sentir fières, leur être reconnaissantes de l’attention qu’ils nous portent ?
Et pas un seul mot sur le travail du très talentueux photographe, on s’en doute, ces gars-là ne s’intéressent pas à l’art.
Et même dans leur comportement, on ne peut pas dire qu’ils apprécient la beauté du corps féminin, ce que j’aime beaucoup par moi-même, je suis la première à adorer les photos de nus artistiques. Car non, là, c’est plus de la dégradation qu’autre chose, de l’abaissement à un simple objet sexuel.
Au final ces réactions ne font que rejoindre celles que j’ai enduré tout l’été quand je portais des shorts « trop » courts ou des décolletés « trop » plongeants, les « t’es bonne », « t’es chaude », « on voit tout, j’adore », …
Je pourrais continuer longtemps ainsi. C’est tout simplement, qu’encore aujourd’hui, la femme est trop souvent réduite à un jouet dont peuvent librement se servir les hommes.
Il faut le dire, si j’ai réellement souhaité écrire cet article, c’est pour apporter un peu de ma propre expérience à toute la réflexion qui mérite encore d’être menée non seulement sur la femme et la place qu’elle tient dans la société, ou qu’on lui accorde, mais encore sur la question de la nudité, et de ce terrifiant carcan qu’est le regard des autres.
Les autres nous jugent, les autres nous disent que la nudité c’est mal, que si tu te montres c’est que t’es qu’une salope. Et c’est pire si t’es maman, car à partir du moment où tu es mère, tu n’es plus « femme », cela va de soi …
Et avec tout ça je n’ai même pas abordé la question des femmes ayant une sexualité libérée … Je vais garder ce sujet pour une autre fois, qu’est-ce que t’en dis ?
Retrouvez Alsapix sur sa page Facebook et sur son site internet, alsapix.com
Et Samten Norbù sur sa page FB et son site internet, Samten.fr

5 commentaires

  • Le Boucher des Carpates
    Le Boucher des Carpates

    C’est très touchant ce que tu racontes.
    Et les photos sont très belles.
    Moi je te fais un Hug, en tout bien tout honneur.
    Si tu n’en a pas besoin…et ben moi si, après avoir lu l’article.

    Continu à faire ce qui te fait vibrer.

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    • Sophie
      Sophie

      Je viens de lire ton article toujours aussi agréable à lire, ton expérience est surprenante certes mais il faut oser le faire et tomber sur les bonnes personnes pour le faire, je ne l’aurait jamais fait, tu as du cran tu es réaliste, tu as aussi la chance d’avoir une belle plastique ça aide pour la photo le résultat est magnifique. Du Topless on en voit tous les jours donc rien de choquant. j’espère te revoir bientôt dans d’autres aventures aussi dingues soit-elles.

      Bisou à toi et à tes enfants.

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  • Syla
    Syla

    Bonjour, bonjour!
    Je suis modèle amateur, tombée au hasard des partages sur ton article.
    Qu’on se le dise, mon premier topless, j’étais terrorisée. J’étais prête, j’avais la volonté de le faire, mais toujours cette impression que ce que je faisais était malsain, que mon corps était sale. Je sortais d’une relation horrible dans laquelle j’étais enfermée et cantonnée à un rôle de compagne.
    Ces photos m’ont littéralement libérée. Alors que je tremblais comme une feuille en les découvrant, je me suis senti fière. J’avais relevé le défi. Je m’appartenait enfin, j’étais à moi et à moi seule. Je crois bien que j’en ai pleuré.
    Enfin. Sache que je partage entièrement ton point de vue. Ton corps est beau, tu es libre d’en faire ce que tu souhaites, que ce soit pour des raisons artistiques, par curiosité ou simplement pour passer un bon moment.
    Des bisous! 🙂

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    • luluinthesky
      luluinthesky

      Un très grand merci pour ton commentaire, ça fait plaisir de voir que je ne suis pas la seule à avoir vécu ça. J’ai ressenti les mêmes choses que toi … Très bonne continuation !

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  • Ingrid
    Ingrid

    Bonjour,
    je suis modèle dans la région de Lille…j’ai été très touché de lire votre article : j’ai vécu, je vis exactement la même chose….je pose depuis 10 mois en nu et lingerie (un jour un photographe m’a dit : toi vu ton corps tu ne poseras qu’à poil !!!)
    Jj’ai 39 ans mariée et deux petits monstres….j’ai découvert ce milieu suite à un shoot offert par mon mari pour Noël….et j’ai vite été repérée (de la chair fraiche….)
    A près de 40 ans, mariée depuis longtemps avec deux petits monstres, je ne veux pas faire carrière mais j’adore poser car j’assume mon corps, ma feminité parfaitement….et surtout mon mari est tout à fait d’accord pour que j’ai cet hobby (au bout de 21 ans on a plus de confiance que de jalousie entre nous).
    Toujours méfiante mais peut etre naive au début, j’ai exactement vécu les mêmes propositions de photographes bien propres sur eux…
    Quand je dis que je pose nu beaucoup me prennent pour une fille facile ou une libertine…et pensent me sauter après la séance (faut dire que selon eux, pleins de modèles couchent !!!)
    Aujourd’hui, je sais et fais le type de shoot que je veux (l’URBEX j’adore aussi). J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs photographes sérieux avec qui nous avons pleinement confiance….mais ce monde n’est qu’hypocrisie, mégalomanie, jalousie, rumeurs que ce soit entre modèles ou entre photographes…..mais je ne peux m’en passer…
    La photo c’est comme l’humour selon Desproges : on peut photographier tout mais pas avec n’importe qui….
    Merci d’avoir su transcrire ce que j’ai (nous) vécu et bonne continuation dans ce monde impitoyable mais si addictif…

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