J’ai eu un orgasme cinéphile avec la série « Voir » de David Fincher

Ces mini-docus valent le coup d’œil pour leur regard sur notre place de spectateur.

Après Mank l’an dernier, et en attendant The Killer et une hypothétique saison 3 de Mindhunter, David Fincher est de retour sur Netflix en tant que producteur de Voir. 6 courts documentaires pour un titre en français, probable clin d’œil au mot « noir » comme dans « film noir ». Mais un corpus très anglo-saxon, ce qui rend d’autant plus impactantes les références à Godard, Truffaut ou Satoshi Kon.

Néanmoins, un des épisodes se penche presque entièrement sur un film asiatique : Lady Vengeance de Park Chan-Wook. Menée par Tony Zhou, cette étude est digne de son talent de conteur et de monteur, déjà à l’œuvre sur sa chaîne YouTube Every Frame a Painting. Le critique y dissèque notre ambivalence vis-à-vis des récits de revanche, avec toujours cette question sous-jacente : « et moi, j’aurais fait quoi ? »

Pas besoin d’être fan d’analyses de film : si chaque épisode est une sorte d’essai sous la houlette d’un(e) féru(e) de cinoche, Voir évoque surtout nos sensations face à la puissance des images. Parfois un peu myope quand elle survole pourtant judicieusement le monde de l’animation ou quand elle évoque la dualité télé/ciné, la série a le mérite d’ouvrir la discussion et donne envie de se plonger dans bon nombre de films dits « classiques » mais toujours aussi modernes.

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C’est ainsi que, selon Walter Chaw, un « film du samedi soir » avec Eddie Murphy a pu éveiller le jeune spectateur qu’il était à la dynamique raciale toujours à l’œuvre aux Etats-Unis. Ce film, c’est 48 Heures de Walter Hill : un film woke avant l’heure, avant que le mot ne soit extrémisé. Et on va conclure avec le premier épisode, consacré aux Dents de la Mer :

Le film de Steven Spielberg fut un succès colossal et surprise. En 1975, il a initié la cinéphilie de la blogueuse Sasha Stone et on la suit ce fameux été dans une reconstitution aux petits oignons. La fin de l’insouciance suite à la guerre du Vietnam et au scandale du Watergate, le début de l’ère des blockbusters, la disparition progressive des protagonistes féminins… Pour Sasha, le film encapsule tout ça, et bien plus. Mais ses observations sont aussi à prendre avec du recul tant la créatrice du site Oscarwatch (rebaptisé depuis Awards Daily et où j’ai déjà été publié quelques fois) n’est pas à un paradoxe près.

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Sasha pronostique sans relâche la saison des récompenses ciné, une course qui commence début décembre aux USA et qui culmine avec les Oscars fin mars, tout en fustigeant une uniformisation des films considérés comme « les meilleurs ». Depuis Trump, elle désigne la Gauche américaine comme responsable de la « cancel culture » tout en regrettant les films du Nouvel Hollywood, pourtant pas connus pour avoir des thèmes très conservateurs.

C’est cette ambiguïté qui fait le sel de Voir, hébergé (ultime étrangeté) sur une plateforme qui a encore beaucoup à faire pour éditorialiser son contenu dit « de patrimoine ». Combien de spectateurs netflixiens savent qu’ils ont accès à une dizaine de films de Jacques Demy et d’Agnès Varda ? Combien ont (re)découvert l’œuvre de Maurice Pialat sur Amazon Prime Video ? Rien de figé dans ces réflexions : c’est une grande partie du plaisir qu’on a à découvrir cette série, comme on peut aimer discuter avec un ami qui nous contredit.

« Voir » : 6 épisodes de 20 minutes disponibles sur Netflix.

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