La quadrature du cercle – Triangle de Christopher Smith

TRIANGLE – Christopher Smith – USA – 2009

On continue cette semaine le retour sur les films estampillés Gérardmer 2011 avec « Triangle ». Datant déjà de 2009, et sorti directement en DVD, « Triangle » s’inscrit dans la tradition de ces films fantastiques tortueux qui nous emmènent sur terrain glissant des questionnements sur la destinée.

Impossible d’en dévoiler trop sur le scénario sous peine de gâcher le plaisir, disons que « Triangle » est le nom du voilier sur lequel embarquent Jess et quelques autres pour une ballade en mer, avant que celui-ci ne fasse naufrage suite à une étrange tempête. « Triangle » fait référence également au lieu de l’action, puisque les passagers ne se retrouvent pas n’importe où mais au milieu des Bermudes. Un navire leur porte alors secours rapidement tandis que Jess va commencer à éprouver un certain malaise à bord.

Smith, depuis « Creep » et « Severance » est devenu l’un des chouchous du cinéma d’horreur de ces dernières années, réussissant à manier très habilement ambiance nerveuse, climax brillant et jeu avec les spectateurs. Il pousse cette recette à son paroxysme dans « Triangle », le film se construisant uniquement sur la notion de mystères qui se dévoilent à nous en même temps qu’à l’héroïne.

Il y a d’ailleurs un aspect intentionnellement stéréotypé dans la structure du film, Smith reprenant tous les codes du genre, du folklore des Bermudes donc, aux paradoxes spatio-temporels en passant par les symboles largement ressassés : longs couloirs déserts, jeux de miroirs, images du double, etc.

Mais le réalisateur est bien plus malin que bon nombre de ses contemporains, n’oubliant pas de doter son film d’enjeux. L’enjeu ici en l’occurrence est celui que porte Jess, bien déterminée à retrouver son fils resté à terre. Personnage du reste assez antipathique, Melissa Georges campe une mère paumée, un peu asociale, tentant de se démêler de son passé, présent et futur. Déchirée entre sa morale et son instinct maternel, c’est avec une bonne dose d’ingéniosité que Smith présente les différentes facettes de cette femme, facettes qui se croiseront, s’affronteront sans jamais réussir à s’assembler.

A cela viennent s’ajouter des décors très réduits mais utilisés de telle façon qu’ils créent une atmosphère particulièrement anxiogène que l’immensité de l’océan, toujours présent en contrepoint, viendra intensifier. Dommage d’ailleurs que Smith qui maitrise pourtant parfaitement sa mise en scène en intérieur ait ajouté des plans larges avec des incrustations inesthétiques au possible ou des effets spéciaux – ceux de la tempête en tête – vraiment cheap.

Totalement inutile qui plus est quant on voit avec quelle virtuosité il manie sa caméra, proposant des mouvements et des cadrages recherchés, s’amusant sans cesse avec les points de vue des personnages et bien évidemment, avec nos nerfs. Car plus le film avance, et plus on prend conscience de la vertigineuse construction scénaristique dans laquelle nous sommes entrainés, puzzle vicieux que chaque twist vient à nouveau désassembler.

Ludique le film l’est, comme toujours chez Smith, mais il n’omet pas pour autant de nous rappeler que nous sommes face à une situation où règne une paranoïa presque palpable et où chacun devient ennemi pour l’autre, ou pour soi. Irriguant son film de moments d’horreur très soudains, très durs, il mène son métrage un peu plus loin que le simple film à tiroirs, à la frontière du survival, genre qu’il avait déjà exploré brillamment dans « Severance ».

« Triangle » est donc, sous des aspects classiques et attendus, un film délicieusement retors qui n’hésite pas à désamorcer nos attentes pour mieux nous surprendre. Sans pour autant se cantonner à un bête exercice de style, il apporte une fraîcheur agréable à un genre en mal de renouvellement, élevant définitivement Smith au rang des très bons artisans du cinéma bis ce que son film suivant, « Black Death », confirmera.

NB : Je vous déconseille le visionnage du trailer, qui spoil beaucoup trop à mon goût.

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