LA SORCIERE ENRHUMEE – Deuxième Partie

LA SORCIERE ENRHUMEE – Deuxième Partie

La première partie est dispo ici.

Chez les Flabigoux, la fête battait son plein. Solémie s’amusait tellement qu’elle en avait oublié son angoisse au sujet de l’épreuve qui l’attendait. Après un ou deux litres de potion à rire, qui se souciait de cette petite épreuve de rien du tout ? Elle ne craignait rien : elle n’avait qu’à lever le majeur et tous ses souhaits se réaliseraient.

Toutes ses amies, ses cousines, ses animaux fabuleux préférés étaient là. Elle se sentait très bien et la seule petite chose qui la gênait était ce petit rayon de pleine lune qu’elle avait pris la semaine précédente sur la colline rouge pendant le sabbat, et les crises d’éternuements qu’il entraînait parfois, quand elle s’énervait un peu trop.

Et elle était la reine de la fête. Grand-mère Glasnostia faisait vraiment bien les choses. Il y avait aussi des clownipraptors, des chercheurs en écologie vectorielle, et un grand buffet couvert de glaces à la blettes, son sorbet préféré. Et tout le monde venait la féliciter et l’encourager.

Il y avait un clownipraptor qu’elle appréciait particulièrement : il sautait en l’air, y demeurait assez longtemps, et retombait en rebondissant, le tout en poussant des cris de lapin fou. C’était extrêmement drôle. Et Scarlatine une cousine qu’elle n’avait pas vu depuis sa naissance. Elle n’arrêtait pas de lui raconter des histoires à mourir de rire, à propos d’organismes génétiquement modifiés et de glopotte garou. Et ce musicien, beau comme un Dieu des Chippendales, avec ses cheveux bruns et ses grands yeux clairs, qui ne jouait la sérénade que pour elle.

Oui, décidément, Grand-mère Glasnostia savait organiser une fête.

*****

La fête battait son plein, mais Solémie commençait à s’ennuyer un peu : le clownipraptor n’en finissait plus de rebondir, sa nouvelle amie ne disait plus rien, et son beau musicien (elle avait appris qu’il s’appelait Paolito) faisait une pause. Elle poussa un long soupir. Scarlatine lui jeta un coup d’œil, puis un sourire s’épanouit lentement sur son visage enfantin couvert de tâches de rousseur.

Elle se tourna vers Solémie qui soupirait encore. Lui donnant un léger coup de coude complice dans les côtes, elle lui dit :

-« Si toi aussi tu commences à t’ennuyer, je crois que j’ai une idée… Viens, suis moi ».

N’écoutant que son ennui nouveau, Solémie se leva d’un bond, regarda autour d’elle pour vérifier que sa grand-mère ne l’observait pas, mais Grand mère était plongée dans une conversation très animée avec le cousin Chlonyl, une histoire de fleurs et d’abeilles que Solémie ne comprit pas, et suivit Scarlatine dehors.

*****

La prenant par la main, Scarlatine l’entraîna dehors en courant. Elles coururent pendant quelques mètres avant que Solémie ne commença à demander que sa cousine ne ralentit l’allure. Mais Scarlatine repartit de plus belle en riant aux éclats, entraînant toujours Solémie dans sa course.

Solémie voulut s’arrêter pour se reposer un instant, et savoir où Scarlatine l’emmenait, mais ses jambes refusaient de faire ce qu’elle leur ordonnait. Scarlatine tenait sa main, l’empêchant d’utiliser son majeur magique. Son cœur battait la chamade. Elle cria à Scarlatine :

– » Je veux m’arrêter, je n’en peux plus, où m’emmènes-tu ? »

Scarlatine ne lui répondit pas, mais elle se retourna vers elle dans un grand éclat de rire sardonique ; son visage enfantin était craquelé laissant apparaître un vieux visage vérolé, couvert de verrues purulentes, et ses dents jaunes brillaient sous la pleine lune.

– » Tu ne devrais pas faire confiance à n’importe qui ma petite chérie ! », lui lança-t-elle d’une voix rauque et visqueuse.

Courant toujours, elles arrivèrent devant la cabane futuriste designed by Starck© de la méchante sorcière Débouzine. Un robot préparateur les attendait sur le seuil de la porte. Il tenait dans la pince droite un énorme mouchoir jetable d’un blanc immaculé. Débouzine poussa brutalement la jeune sorcière à l’intérieur.

*****
L’intérieur de la cabane était des plus luxueux : Playstation 7, écran numérique à plasma terrestre intégré, toute une gamme de produit interdits par la Septième Conférence de l’ONU sur la Préservation de la Couche d’Ozone, mais très bon pour le teint et l’haleine, trônaient au dessus d’une magnifique toile de Van Gogh, que Solémie croyait disparue. L’ensemble dégageait une odeur de gognol en décomposition qui gâchait quelque peu l’effet général d’opulence.

Débouzine se tourna vers la jeune sorcière afin de lui expliquer la situation. Sentant l’angoisse et un éternuement monter en elle, Solémie s’efforçait de conserver son sang froid. Elle avait vite réalisé qu’elle ne pouvait utiliser sa bonne magie dans ce lieu aussi manifestement hostile, mais elle devait s’efforcer de trouver un plan pour s’échapper. Lorsqu’elle interrompit ses réflexions, la vieille était en train de délirer à propos de bave et de PlayStation.

Bien qu’elle ne comprît pas tout, la seule chose dont elle demeurait certaine était qu’elle ne devait, en aucun cas participer, volontairement ou non, au plan de la vieille femme, sous peine de devenir à son tour une méchante sorcière. Les méchantes sorcières étaient toutes des incompétentes qui avaient échoué dans leur épreuve.

Elle était au cœur de l’épreuve. Elle ne pouvait se résoudre à devenir comme la vieille femme qu’elle avait en face d’elle. Sentant les larmes lui monter aux yeux, elle se força à penser à quelque chose de beau et de sympathique. Si elle pleurait, son nez se mettrait invariablement à couler. Paolito. Elle devait penser à lui. Mais comment penser à un Dieu quand une vieille horreur pleine de verrues la harcelait, lui soufflant son haleine putride au visage ?

Elle ne devait pas échouer. Mais elle ne savait pas vraiment ce qu’elle était supposée faire. Si, elle le savait : elle devait s’enfuir. Mais pas encore, il était trop tôt. Elle devait aussi trouver un moyen de se débarrasser de cette sorcière délirante et baveuse.

Débouzine brillait de tout l’éclat de sa mauvaise action : en une seule nuit, elle allait récupérer suffisamment de morve pour préparer sa potion, et transformer une jeune et douce sorcière en une disciple sur laquelle elle pourrait ensuite semer sa mauvaise graine.

Mais la sorcière baveuse ne laissait pas une seconde à Solémie pour réfléchir. D’un geste de sa baguette magique, elle immobilisa la jeune sorcière, lui attachant les mains dans le dos. Puis, avec un rire mauvais, elle se tourna vers Solémie :

-« Tu ne veux pas m’aider, ça ne fait rien, j’ai presque tout mon temps. »

La saisissant par le col de sa robe de soirée, elle l’amena jusqu’à une cave sombre, où elle l’enferma.

*****
La fête s’était terminée sans Solémie.  Et depuis, Paolito errait sur la route, son instrument désormais inutile à la main.  Sans sa belle, que lui importait la sérénade ?

Il avait demandé à grand-mère Glasnostia où il pourrait la trouver, et celle-ci lui avait sourit, à sa manière ineffable de sorcière qui sait. Elle lui avait répondu d’un air énigmatique, qu’il devait, comme Solémie, trouver sa route.

Il avait beaucoup cherché. A chaque pleine lune, il allait sur les routes à la recherche de sa belle et d’une réponse à l’énigmatisme des sorcières d’un certain âge. Mais l’enthousiasme lui manquait, le désespoir commençait à le gagner : il ne chantait même plus sous sa douche le matin.

A force de marcher, il finit par arriver devant la cabane de la vieille sorcière. Ne se méfiant pas, malgré l’odeur persistante de gognol pourri qui régnait autour de la masure, il frappa à la porte :

-« Bonjour Madame, je suis à la recherche d’une jeune femme brune, qui est peut-être passée par ici, il y a quelque temps. C’était un soir de pleine lune. Vous vous souvenez peut-être d’elle ? » Il savait bien qu’il s’exprimait gauchement, et qu’il n’existait qu’une chance sur un million pour que la vieille dame ait vu sa belle, et encore moins pour que, l’ayant vue, elle s’en souvienne à son âge, mais l’espoir fait vivre.

Débouzine réfléchit très vite. Ce jeune homme recherchait très certainement Solémie. S’il la retrouvait, elle serait sans doute très émue. Elle pleurerait sûrement, alors, son nez se mettrait à couler, et …

– « Bien sûr mon jeune ami, dit-elle de sa voix la plus doucereuse, entrez donc. La personne que vous recherchez demeure ici. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire à elle. »

Heureux au-delà des mots, bien que n’osant trop y croire, il suivit la vieille femme à l’intérieur de la masure, et jusqu’à sa cave. Elle ouvrit la porte de la cellule de Solémie, et poussa le jeune homme à l’intérieur, en claquant la porte sur lui, dans un grand rire sardonique. Ce faisant, elle lui lia les mains dans le dos de la même façon que celles de Solémie.

Paolito se sentait maintenant idiot au-delà des mots, mais il n’était pas question qu’il avoua à quiconque comment il était aussi facilement tombé dans le piège. Une bonne vieille histoire de dragon ferait bien l’affaire quand il raconterait son aventure.

Plutôt que d’attendre derrière la porte, attitude dont les deux jeunes gens auraient pu se méfier, elle mit en place quelques micros judicieusement placés, puis remonta dans la cabane.

Les deux jeunes gens restèrent un instant face à face, sans parler, puis, ils se précipitèrent d’un même élan l’un contre l’autre. Leurs mains attachées dans le dos, ils se cognèrent donc un peu, et le choc ne fut amorti que par le contact de la chemise épaisse de drap que portait Paolito contre le corps de cotte en coton et lycra moulant de Solémie. Mais peu leur importait : ils étaient ensemble, et seuls.

Lui désignant du bout du nez les micros, Solémie lui chuchota de se taire, quoiqu’il advint. Il acquiesça de la tête, et s’approcha d’elle pour l’embrasser tendrement. Elle se déroba à son baiser.

Les lèvres de Solémie glissèrent lentement des lèvres de Paolito, vers son lobe d’oreille gauche, puis sur son cou. Le léchant en même temps, elle commença à déboutonner la chemise du jeune troubadour avec les dents.

Etonné de l’audace des caresses de la jeune femme, Paolito n’osait bouger. Elle embrassait le jeune homme immobile, avec une ferveur presque religieuse. Ses lèvres atteignirent son nombril, qu’elle lécha doucement, tendrement.

Les petites dents blanches de Solémie s’attaquaient maintenant à la fermeture du pantalon de Paolito. Il ne portait pas de sous vêtement, comme c’était la mode. Heureusement que Solémie lui avait recommandé le silence, car sinon, il aurait hurlé son bonheur, tel le jeune coyote à la pleine lune.

Elle prit son sexe dur dans sa bouche et le lécha plusieurs fois, jusqu’à qu’il commença à gémir doucement, puis elle l’enfouit dans sa bouche, presque brutalement. Paolito faillit jouir, mais il su se retenir. Solémie allait et venait maintenant le long de son membre chauffé à blanc par l’exercice de ce frottement doux et lascif.

Alors qu’il sentait qu’il ne pourrait plus résister bien longtemps à cette caresse, elle sortit son sexe de sa bouche, se lécha voluptueusement les lèvres, telle une chatte buvant du petit lait, et, fermant les yeux, elle fit aller sa langue sur les testicules du jeune homme, puis remonta à nouveau sur son sexe, le léchant de haut en bas, très lentement d’abord, puis accélérant, jusqu’à ce qu’à nouveau elle le reprit dans sa bouche.

L’intérieur de la bouche de la jeune fille était si doux et si chaud, que Paolito ne put se retenir, et dans un soupir extatique, il rendit les armes et jouit entre les lèvres de sa belle.

Il était grand temps. Débouzine, inquiétée par le silence hanté de soupirs que lui renvoyaient ses micros, descendait. Il entendit son pas dans l’escalier, tandis qu’il s’efforçait de rajuster son pantalon. Pas évident sans les mains, même avec la mode du XXIIème siècle.

Les yeux de Solémie étaient embués des larmes de l’émotion du sacrifice de soi. Débouzine vit que c’était le moment ou jamais de profiter de la faiblesse apparente de la jeune femme. Elle sortit son kleenex maculé de sa poche, et le colla sur le visage de Solémie, lui ordonnant de souffler fort, tout ce qu’elle pouvait, sous peine de ne plus respirer jamais.

Et Solémie souffla.

Débouzine, triomphante, vociféra deux ou trois exhortations sataniques, se signa de deux ou trois pentacles, puis sortit, les enfermant à nouveau. On entendit distinctement le plop du bouchon d’une bouteille de Moët et Chandon qui saute, puis des rires métalliques mêlés à des vociférations visqueusement joyeuses.

Solémie fit à nouveau signe à Paolito de se taire, puis se calant contre lui sur le sol finement moquetté de la cave, elle s’endormit. Paolito la regarda tendrement, sourit, et s’endormit à son tour.

A suivre…

© Virginie Breham  – 1998

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