L’Assassin habite au 21 de S.A. Steeman

L’Assassin habite au 21, un classique de la littérature policière, écrit avec … adresse.

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Bonjour et bienvenue dans « un dernier livre avant l’apocalypse nucléaire », la chronique littéraire bimensuelle pour bien choisir ses lectures en attendant la mort dans d’atroces souffrances.

Les tirs d’essai survolent la mer du Japon et vous ne savez plus quoi lire ?

Des sous-marins nucléaires font surface en Bretagne et vous êtes en quête d’un bon bouquin ?

L’escalade atomique est enclenchée et vous ressentez le besoin d’une lecture solide, puissante, et réconfortante ?

Pas de panique, nous sommes là pour ça. Cette semaine : l’Assassin habite au 21 de S.A. Steeman.

 

Il est toujours bon de relire un classique du roman policier de temps en temps.

Surtout quand, comme moi, on ne l’a jamais lu.

Du coup, je l’ai lu deux fois de suite, par conscience professionnelle, pour ne pas mentir dès la première phrase de la chronique.

Attention cependant : Le livre contient un ÉNORME SPOILER dès le titre (je ne vous dis pas quoi pour le suspense), c’est fou que l’éditeur l’ai laissé passer !! Franchement !! C’est si compliqué que ça de bien faire son travail ? Souvent, je recommande de ne pas de lire le résumé sur la quatrième de couverture, aujourd’hui, je déconseillerais carrément de lire le titre du bouquin. Et je vais même plus loin : à quand la chronique favorable et élogieuse qui déconseille carrément de lire l’œuvre pour ne pas être spoilé ???

La question qu’on me pose souvent, c’est : « l’Assassin habite au 21, d’accord, mais peut-on le lire si on n’a pas lu les 20 précédents ? ». Ce à quoi je réponds toujours : « bien sûr, tenez, moi-même je n’ai lu ni Le meurtrier réside au premier, ni la tueuse crèche au deuz’, ni le criminel sournois loge au trois, etc. etc., ce qui ne m’a pas empêché de comprendre parfaitement tous les tenants et les aboutissants de l’intrigue. C’est vachement bien fait.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’Assassin habite au 21 ne se passe pas en Côte d’Or, mais dans le Londres des années 30. Un mystérieux tueur en série sévit les nuits de brouillard et signe ses crimes en laissant sur ses victimes un bristol au nom de « Smith » (Non non pas À Bristol. UN bristol. La feuille cartonnée. En plus c’est pas du tout la même route, il faut prendre la M4 direction Swindon, et à cette heure-là on va se payer des bouchons, c’est couru d’avance, et on n’y sera pas du tout à l’heure pour dîner…  Bon vous suivez, un peu ? merci). Ici, la traduction laisse à désirer, car Smith, chez nous, voyez-vous, ce serait devenu Martin, Bernard, Dupuis ou même Dubois. (Dans l’adaptation ciné réalisée par Clouzot par exemple, il parait que c’est devenu Durand). Autant dire : n’importe qui. N’importe qui, et ce fut toi, et je t’ai dit n’importe quoi… jusqu’à maintenant.

L’auteur belge Stanislas-André Steeman réussit à recréer une ambiance digne des romans d’Agatha Christie. L’enquête que mène le superintendant Strickland dans la pension de famille de Mrs Hobson, où chaque locataire pourrait être le coupable, relève en quelque sorte de la partie de Cluedo grandeur nature.

Tout le monde est suspecté (sauf les femmes, naturellement. Question d’époque sans doute) parmi la galerie de personnages exotiques qui sentent bon les années 1900 :  Le docteur Hyde, le Fakir Lalla-Poor, le russe Andreyew, le timide M. Collins, le major Fairchild …

L’originalité de ce court (moins de 200 pages en poche) roman réside bien sûr dans sa qualité de meurtre en huis clos. On sait où est le tueur, il ne reste plus qu’à trouver qui c’est, et à le piéger. Ou à piéger le lecteur ?

La construction de l’intrigue est très habile, les alibis malins, et la résolution plutôt astucieuse.  L’Assassin habite au 21 : un livre écrit avec adresse.

(Vous avez remarqué : les alibis sont souvent en béton. Mon beau-frère qui est dans le BTP dit que c’est mieux de prendre du béton préfabriqué, parce que quand le béton est coulé en place, il se fait forcément coffrer. Et oui, il est sacrément malin mon beau-frère)

J’ai particulièrement aimé les quelques chapitres assez modernes dans lesquels l’auteur s’adresse directement au lecteur pour lui dire « et bah alors Ducon*, t’as toujours pas pigé, alors que c’est très simple, la solution est pourtant sous tes yeux depuis le début, noir sur blanc ».

(*contrairement à ce qu’on pense, surtout en voiture, Ducon n’est pas un patronyme si répandu que ça en France. Seules 50 personnes le portent actuellement en France selon un sondage doigt mouillé-pifomètre-tarot marseillais.)

Trois conseils pour finir, avant de vous lancer dans la lecture du bouquin :

  • Révisez vos verbes français commençant par « b », ça pourrait vous servir
  • La maîtrise du bridge n’est absolument pas indispensable, mais avoir quelques notions pourra peut-être vous rendre la lecture encore plus agréable
  • Si tu cherches tes clés, commence par vérifier les poches de la veste que tu portais la veille (Rien à voir avec le bouquin, mais ça pourra sûrement servir à quelqu’un)

Un livre à lire avant l’apocalypse nucléaire ; mais tardez pas trop quand même à le commencer …

 

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L’Assassin habite au 21, S.A. Steeman, Librairie des Champs-Élysées, 1939

Allez l’acheter chez votre libraire du village. Et s’il n’y a plus de librairie, c’est simple : ouvrez-en une.

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