Les Rougon-Macquart #1 La fortune des Rougon

Ouvrant le cycle des Rougon-Macquart, la fortune des Rougon pose les bases de la saga. C’est le pilote de la série, celui où on présente les enjeux, les causes et les piliers.

Si tu as déjà suivi un peu Dallas, Dinasty, Empire ou Chateauvallon, tu connais les ingrédients d’une bonne saga familiale : un patriarche implacable manipulé par sa harpie de bonne femme. Des jalousies et des rancunes profondément ancrées dans des blessures du passé. Une fratrie qui hérite du patrimoine familial et doit le faire fructifier. Un frère qui domine les autres. Un cousin ou un oncle jaloux et manipulateur car la fortune lui échappe et il fait tout pour en retirer des miettes. Si possible un enjeu historique national comme toile de fonds aux petites mesquineries locales. Tu saupoudres avec des rebondissements, trahisons, changements d’alliances et d’allégeances, tu fais émerger une ou deux victimes expiatoires, de vrais gentils un peu naïfs qui seront sacrifiés. Quant au reste du casting, c’est à gerber, tous plus pourris et détestables les uns que les autres. Mais tu ne prends soin de ne pas les diaboliser. Tu souffles le chaud et le froid. Qu’ils paraissent tantôt horribles, tantôt touchants et attendrissants, histoire de ne pas faire fuir le spectateur et de lui laisser l’espoir d’un happy-end.

Si tu pensais que la télé avait inventé le drame familial, tu vas tomber des nues en lisant La Fortune des Rougon, car tous les ingrédients susmentionnés y sont rassemblés. La Fortune des Rougon n’est pas l’opus le plus connu de la série mais c’est pourtant un concentré jouissif de vilenies, bassesses et médiocrité. Une espèce de best of du pire. Une annonce de ce que va être la saga, puisque celle-ci cherche à démontrer les affres de l’hérédité.

Le lieu

L’histoire prend place dans la ville provençale de Plassans. C’est une cité imaginaire pour laquelle Zola s’inspire d’Aix-En-Provence. Une sous-préfecture ronronnante et frileuse, avec son quartier bourgeois, son quartier ouvrier, son quartier noble, l’avenue ombragée par les platanes où l’on se retrouve le dimanche après-midi tandis que le reste du temps, chacun reste chez soi et observe jalousement ses voisins. Il y a aussi des faubourgs, une route qui relie Nice à Marseille, des champs, et notamment une espèce de terrain vague, ancien cimetière abandonné, où l’histoire commence et se termine, et non loin duquel habite Adélaïde Fouque, l’aïeule, le maillon numéro 1 de la chaîne de personnages de la fresque de Zola.
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Les personnages

Adélaïde a eu deux amours. Du premier, Rougon, un ouvrier agricole taciturne, est né Pierre. Mais Rougon disparaît et c’est un autre larron, Macquart, qui donne à Pierre un frère, Antoine, et une sœur Ursule. Rougon était le paysan sérieux et buté, Macquart est un ruffian alcoolique et manipulateur. Un cossard de première, doublé d’un hypocrite, d’une petite frappe, d’un voleur…bref une fripouille, qui va engendrer une génération de fripouilles, alcooliques, gagne petit, vicieux et un peu cinglés….A ce stade très précoce de l’histoire, le schéma ne se dessine pas encore. C’est avec la seconde génération que les choses se précisent. Pierre Rougon se marie avec Félicité Puech, fille de négociant en huile d’olives. Antoine Macquart épouse quant à lui Joséphine Gavaudan, une rude matrone dure à la tâche. Pierre Rougon engendre cinq enfants qui naissent tous entre 1810 et 1820 : Pascal, le docteur, Eugène, l’avocat, Aristide, l’opportuniste, Marthe et Sidonie. Macquart aura quant à lui trois enfants, Lisa, Gervaise et Jean, qui naissent entre 1827 et 1831. Enfin, Ursule se marie avec un négociant marseillais, Mouret, dont elle a trois enfants, Hélène, François et Silvere. Voila, c’est un peu compliqué tous ces noms, et tous les personnages n’ont pas un rôle actif dans le récit qui nous occupe aujourd’hui, mais on peut déjà dessiner un premier profil des familles.
Rougon = rusé, manipulateur, beau parleur
Macquart = alcoolique, cossard, tire au flanc, naïf, manipulable
Mouret = bosseur, industrieux, entreprenant

Le contexte historique

Le tournant du 19ème siècle n’est pas la période de l’Histoire de France la plus connue des français. On nous rabâche la prise de la Bastille, la déclaration des droits de l’homme et la République mais on est moins fiers d’admettre que trente ans à peine après la décapitation de Louis XVI, un roi de France remontait sur le trône. Certes, ce n’était plus la monarchie absolue, mais c’était la monarchie quand même. En 1848, une nouvelle petite révolution met fin à la monarchie de Juillet et proclame la IIème République, qui ne durera que quatre ans. Elle servira de tremplin à Louis-Napoléon Bonaparte pour proclamer le Second Empire, en 1852 après avoir été élu Consul en 1851…l’histoire se répétant avec un incroyable cynisme…
C’est pendant cette période transitoire que se déroule la Fortune des Rougon, le titre teasant un poil sur le dénouement, puisque c’est bien de magouilles politiques que les Rougon vont tirer leur fortune….

Tout est en place, le rideau se lève sur…

C’est le livre de la série où tu croises le plus de Rougon et de Macquart, même si certains sont seulement cité (les filles de Pierre Rougon), ou présentées le temps de disparaître vers un lendemain meilleur. Les personnages centraux de la Fortune des Rougon sont Pierre et Félicité Rougon. Le couple n’a pas été très heureux en affaire et a amassé le minimum nécessaire pour vivoter dans un immeuble petit bourgeois duquel ils lorgnent avec envie sur le bel appartement du haut-fonctionnaire voisin. Depuis Paris, leur fils Eugène, avocat et politicien, prépare l’avènement du second empire. Il utilise ses parents pour manipuler la bourgeoisie de Plassans et convertir la ville à la cause de Louis-Napoléon. C’est une de ces périodes de l’histoire où les ouvriers ont pu rêver à l’avènement d’un régime de terreur et il ne faut pas grand chose pour convaincre les bourgeois qu’ils ont intérêt à soutenir le camp adversaire pour ne pas finir condamné à la guillotine par un tribunal populaire. Une chose est sûre, si les Rougon sont tous impliqués dans le complot, leurs motivations sont tout sauf œcuméniques. Envie, jalousie, rêves de gloire à moindre sacrifice, cupidité, responsabilités. A croire que cette famille a renié toute compassion, tout amour fraternel, toute humanité.

La cerise sur le gâteau

La pire scène du livre ? Celle où Pierre Rougon et Antoine Macquart se disputent l’héritage de leur mère tandis que celle-ci agonise sur un grabat à leur pied, dévastée par la nouvelle que son fils adoptif vient d’être exécuté.

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