Les vainqueurs des Oscars

Pour la première fois, un film non-anglophone est sacré à Hollywood.

C’était une cérémonie où tout se déroulait comme prévu: meilleurs costumes pour Les Filles du docteur March, meilleur film d’animation pour Toy Story 4, meilleurs décors et meilleur Brad Pitt pour le Tarantino (on l’avait prédit ici), un Joker en or… bref, des victoires gravées dans le marbre.
Et puis Spike Lee est arrivé.

Bong Joon Ho réalise le coup de l’année en montant sur scène pour l’Oscar de la mise en scène, au nez et à la barbe de Sam Mendes, grand favori pour 1917.

À ce moment-là, tout devient possible. Et si Hollywood avait vraiment craqué pour Parasite ? La Palme d’Or de l’an dernier pourrait-elle squatter la plus grande scène du monde ?

If not now, when ?

À la faveur d’un alignement des planètes incroyable, le buzz venu d’Asie n’est jamais retombé. Bong est un réalisateur asiatique, certes, mais il a déjà travaillé avec Hollywood (Snowpiercer), et même Netflix (Okja). Un grand festival le couronne : bonus crédibilité. Le film est un succès au box-office en Corée, en France, puis en Amérique du Nord à l’automne : bonus popularité. Son distributeur NEON gère sa promo intelligemment sur les réseaux, à base de GIF et de mèmes, tout en soutenant d’autres productions internationales (notamment Portrait de la jeune fille en feu que Bong a mentionné plusieurs fois en interview). Bref, ce film ne casse pas les barrières, il les pulvérise.

C’est dans l’ADN d’Hollywood d’incorporer des éléments « étrangers »: des réalisateurs, des actrices venus des quatre coins du monde. Les Oscars ont récompensé depuis toujours des films produits en dehors des frontières américaines. C’est ce qui en fait la cérémonie la plus intéressante, à la fois révélateur de l’état de l’industrie US, et sceau de reconnaissance mondiale. Mais Bong n’était heureusement pas dupe quand il les a qualifié de cérémonie « locale »: les Oscars ont finalement plus besoin de son film que l’inverse. En choisissant Parasite, ils s’affirment comme une institution dans l’air du temps et ouverte à la diversité.

Slumdog Millionaire était déjà à moitié parlé en hindi. Et The Artist était une production 100% française. Et si finalement le véritable pas qu’a franchi Hollywood était de consacrer le genre de film qu’elle-même ne produit plus ? Une dramédie domestique, ironique et mordante, ça me rappelle le vainqueur d’il y a vingt ans: American Beauty, réalisé par … Sam Mendes.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *