L’incroyable histoire d’Inigo Philbrick.

Cette histoire a retenu le souffle des marchands d’art anglophones, et le mien aussi.

Inigo Philbrick, aujourd’hui 32 ans, a été une étoile montante parmi les galeristes et marchands d’art.

Philbrick c’est une allure de jeune premier en costume&rolex, avec un flair pour l’art contemporain et une disparition mystérieuse. Un nom et un parcours de vie taillés pour un film.

©Stuart C. Wilson/Getty Images

 

Ce mini Madof est né d’un père respecté dans le milieu (ancien directeur de l’Aldrich Contemporary Art Museum) et d’une mère auteure et artiste.  A 24 ans il ouvre une galerie à Londres très vite suivie d’une autre à Miami.

Il se spécialise dans le re-sell notamment pour les specullecteurs. Qui sont-ils ?

 

Le marché de l’art, est un marché particulier car il vit des coups de passion; de folie et de modes. Il ressemble aux autres marchés notamment par sa frange spéculative. Les collecteurs investissent pour posséder une œuvre dans son intégrité. Tandis que les specullecteurs achètent des parts d’œuvres d’art. Celles-ci restent le plus souvent en stockage d’une galerie et ne voient pas le jour. C’est l’investissement financier qui prévaut, et Philbrick était doué pour cela.

Le jeune homme faisait donc des montages financiers sur une même œuvre, promettant à ses investisseurs des retours importants en maison de vente.

L’histoire a commencé à paraître fumeuse lorsque le train de vie de Philbrick est devenu exorbitant ; jets-privés, arrogance et montres toujours plus coûteuses… Un personnage fantasque en quelques sortes mais au réseau impeccable qui finalement séduisait dans le milieu.

L’affaire Stingel

Sans s’étendre sur les différents chefs d’accusation qui pèsent aujourd’hui sur Inigo Philbrick, l’affaire Rudolf Stingel est celle qui l’a révélé comme arnaqueur.

En 2016 il s’associe avec M.Pesko (Satfinance) pour acheter ensemble une photographie de Picasso par Rudolf Stingel pour deux parts à 3,5 millions de dollars. Le problème est que Philbrick a déjà vendu des parts substantielles à un fond de collection avec qui il fait affaire depuis 2015 sur des Donald Judds, Christopher Wool et même un Yayoi Kusama. Cet investissement  a pour ambition de faire décoller le marché des œuvres de Stingel – notamment en faveur d’une galerie partenaire.

Stingel, Untitled, 2012 © Christie’s

 

Pourtant lors de la vente à Christie’s l’adjudication ne dépasse pas les 5,5 millions de dollars.

L’argent ne revenant pas, et l’attitude fuyante de Philbrick au sujet de cette vente foireuse a mis la puce à l’oreille des investisseurs. Ils découvrent le pot-aux-roses en s’adressant directement à la maison d’enchères et se découvrent tous propriétaires – ou non – de l’œuvre.

 

Vendre des toiles d’artistes qu’il ne représente pas, des œuvres sur lesquelles il n’a aucun droit : nombreuses sont les fraudes révélées petit à petit. Kenny Schachter est un journaliste qui a accompagné la popularité de Philbrick. Selon lui, ces arnaques n’ont jamais été réellement planifiées mais motivées par un besoin d’argent récent.

Basquiat, Kusama… la liste des arnaques s’allonge de jour en jour.

Les poursuites contre Philbrick concernent aujourd’hui des opérations financières s’étalant de 2016 à 2019. Les dommages s’élèvent à plus de 20 millions de dollars. Il est déclaré fugitif des États-Unis depuis octobre 2019. L’Arabie Saoudite a aussi déposé plainte contre lui.

Longtemps disparu, il aurait été le centre des conversations des marchands d’art début mars 2020 à la Art Basel de Miami, où l’affaire passionnait plus que l’épidémie mondiale. Schachter dit avoir réussi à le contacter en décembre 2019.

Il aurait été appréhendé au début du mois au Vanuatu où il résidait depuis sa fuite des États-Unis.

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