Louis Paul Ordonneau, portrait d’un Peintre Photographe

La BIO

« J’ai un parcours artistique d’autodidacte empirique »

Chez Louis-Paul Ordonneau, le désir d’expression artistique est venu à l’adolescence. Etudiant classique en gestion, il commence à peindre. Faute de place dans l’appart de ses parents, il installe son atelier dans les squats éphémères d’artistes, avenue Matignon, rue de Rivoli. A l’aube de fonder une famille, il délaisse la peinture au profit de la photographie. Pour Louis-Paul, la pratique de la peinture n’est pas aisément compatible avec la vie de famille. En outre, il a l’impression d’avoir fait le tour des choses qu’il avait à dire en peinture. Louis-Paul est un artiste honnête et entier. Un peintre devenu photographe qui a su mixer les deux approches pour livrer un travail personnel dépourvu de toute la mièvrerie qu’on pourrait craindre d’une telle association.

LES 3 QUESTIONS

L’INTERVIEW

Refusant de donner au spectateur des repères qui fausseraient sa propre approche de l’oeuvre, l’artiste ne commente pas son travail. Je suis donc parti d’extraits de la préface qu’il a faite à son dernier recueil, Vigilance Poétique pour amener Louis Paul à livrer des clés, donner un éclairage indirect.

Louis Paul Ordonneau, Peintre Photographe« Ma méthode »

Quand je suis quelque part j’enlève les images préconçues qui m’entourent: les repères, les souvenirs sociétaux attachés à l’endroit. J’essaye de gommer çà pour aller regarder quelque chose de nouveau, trouver le Mont Saint Michel qui n’existe pas encore, qu’on n’a pas encore vu. Il peut se trouver dans un détail, une texture, une couleur.

 

“Photographier les choses vouées à être manquées par notre regard”

Aujourd’hui, dans le monde qui nous entoure, l’image est omniprésente: publicité, affiches, devantures de magasin. Toute cette imagerie construit une référentiel. Mon référenciel de citadin occidentale est urbaine. Un Inuit aura un référentiel blanc. Peut-être qu’il voit remarquablement bien les nuance de blanc mais elles sont naturelles pour lui et il ne va plus chercher à les déceler dans leur perfection ou leur imperfection. Elles sont acquises. C’est pareil pour moi dans la ville. La ville m’est acquise, je la connais par cœur. Quand on est dans cet état là, on ne fait pas attention à ce qui se passe. On n’est pas vigilant. Moi je m’efforce de regarder autrement les choses que j’ai l’habitude de voir, pour faire attention à ce qui se passe. Et tu Louis Paul Ordonneau, Peintre Photographet’aperçois que tu vois des choses incroyables. J’imagine que l’Inuit pourrait nous révéler des choses incroyables aussi.

“L’art inutile est celui qui décore”

C’est une référence à Jeff Koons pour dire qu’on est dans une époque baroque. Dans le baroque, le fonds importe beaucoup moins que la forme. Encore plus gros, encore plus beau sans sous-jacent intellectuel. On s’attache plus à l’esthétique et aux choses gratuites et immédiates qu’aux choses plus dures à aller regarder. Je veux avoir une démarche inverse en m’intéressant à des choses compliquées, que je ne vois pas tout de suite, qui ne sont pas évidentes.

“vigilance poétique”

C’est de se mettre dans un état d’attention permanente à ce qui nous entoure en essayant de gommer les référents et les influences – sociétales, intimes, publiques – gommer ces éléments là pour être une personne avec un regard subjectivement neuf. Cette démarche me permet d’aller vers une poésie. C’est ce qui m’intéresse. On peut trouver une douceur partout, même dans des choses du quotidien très moches, très lourdes, à condition d’avoir décidé de la trouver.

“Créer un réel qui n’existe pas”

Le réel qui existe c’est celui qu’on reconnait. Si je vois une image d’une star à la télé, elle existe. Si on ne la voit pas ou si on ne voit pas son image, alors elle n’existe pas. Cela revient à dire que le réel qui n’est pas vu et reconnu dans un monde baroque est un réel qui n’existe pas. Et donc moi je m’attache à nier cela en affirmant que ce réel existe à partir du moment où j’ai choisi de Louis-Paul_Ordonneau_4le montrer, par la photographie.

“Je ne veux pas forcer le spectateur à regarder l’image”

On est dans un monde où on nous force à regarder. On est très orientés. J’ai pas envie de forcer qui que ce soit. C’est pour çà que je ne donne pas de nom à mes œuvres car le titre biaise le regard. Ce qui m’intéresse c’est que le spectateur arrive à ressentir lui-même. Et il va voir autre chose que moi. Mes images je les fais pour que les gens ressentent des émotions, se retrouvent à avoir un souvenir qui va réémerger ou une approche du réel nouvelle et c’est donc très important qu’ils soient seuls face à l’image, qu’ils l’appréhendent ou la rejette. Mais çà n’est certainement pas à moi de leur dire “attention, il faut que vous regardiez çà de telle manière”

Louis Paul Ordonneau, Peintre Photographe« La Genèse »

Emilie, mon épouse, m’a offert un appareil photo à Noel. C’était un 6×6. Au début, il y a un véritable plaisir de l’objet. On fait une photo, puis 100, 1000…et petit à petit le virus de la photo est venu et l’idée de trouver mon écriture en photographie a commencé à jaillir. Je me suis rendu compte que je pouvais m’exprimer en photo comme en peinture, avec la même recherche au niveau de la picturalité et de la couleur. Je pouvais reproduire mon travail de chromie et de composition…et donc je suis allé petit à petit dans cette voie.
Plus on fait des photos plus on sait celles qu’on a envie de faire et celles qu’on n’a plus envie de faire. J’essaye de m’imposer des règles de production, une méthodologie de travail pour arriver à un résultat. C’est la méthode que j’utilise actuellement qui donne le résultat qui me plait le plus. Mais je ne m’interdis pas de me dire demain qu’il faudrait que je fasse autre chose et faire mille photos du Mont Saint Michel.

 

 

 

On t’invite chaudement à visiter le site internet de Louis-Paul pour découvrir plein d’autres photos. Tu peux aussi te procurer VIGILANCE POETIQUE, le recueil de photos qui vient d’être publié par Jacques Flament. C’est à partir de la préface dudit bouquin que j’ai construit mon interview. Et les photos d’illustration de l’interview sont extraites des cinquante clichés représentés dans le bouquin.

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